C’était la semaine dernière
Et « Moscou-vici » en a profité pour faire le spectacle à se faire huer et siffler par la « petite-réunion » des économistes qui comptent dans le pays…
Bon d’accord, ils y croient et certains y jouent « gourou », mais n’essayent plus d’être « prévisionnistes », tellement ils sont encore plus nuls que les météorologues à ce jeu-là.
N’empêche que j’ai fini par comprendre que tous ceux-là, c’est grosso-modo du vent. Notamment lorsqu'ils s'expriment dans la presse, car ils sur-jouent tous leurs désaccords pour se singulariser.
Alors qu’en réalité ils se rejoignent sur l'essentiel : La complexité du monde les a rendus prudents et pragmatiques, pour ne pas dire « aveugles ».
C’est pour ça qu’ils ont oublié d’être muets !
La cécité de l'immense majorité des économistes, qui n'ont pas vu venir notre crise systémique, leurs erreurs sur les risques de la finance ou sur l'impact de l'austérité, leur incapacité à tracer un horizon clair, ont donné l'impression de médecins de Molière.
L'économie apparaît comme une science sociale plus dangereuse qu'autre chose, tant elle est incertaine.
Il y avait, naguère, trois écoles de pensée économique : L'école classique (on dit « libérale » en « Gauloisie-du-politiquement-correct ») de Smith à Hayek, l'école marxiste et l'école keynésienne.
La deuxième a disparu avec l'effondrement du communisme sauf chez quelques archéo-staliniens, latino-américains ou gaulois, mais la profondeur des outils d'analyse du penseur allemand reste reconnue par beaucoup.
Demeurent deux écoles qui louent le marché mais s'opposent sur son efficience et sa capacité d'autocorrection.
Une « synthèse » entre les deux fut un moment trouvée, elle a volé en éclats il y a trente ans, avec le triomphe de l’école classique, dite un peu vite « libérale ».
Aujourd'hui, la crise vient réhabiliter le penseur britannique, les marchés trop libres se sont cassés la figure. Mais la division est radicale.
Pour les « classiques », qu'on trouve à Chicago comme à Francfort-sur-le-Main, les politiques monétaires et budgétaires keynésiennes adoptées contre la crise sont des erreurs funestes : Elles fabriquent des dettes publiques et des mauvaises créances dans les bilans des banques centrales sans parvenir à relancer l'économie réelle.
Les keynésiens rétorquent que la crise eût été du type de celle des années 1930 si on n'avait rien fait.
Apparaît donc, vu de haut, une profession idéologiquement déchirée entre, somme toute, deux « croyances ». Le caractère scientifique ne serait que diversion d'un substrat purement politique du jugement économique.
Vu de plus près, il n'en est rien. Sur toutes les questions concrètes, le consensus est en réalité assez large. Mais, comme le démontrent deux professeurs de l'université de Californie, il est rendu invisible par les medias.
Pour réussir, les économistes ont besoin d'être reconnus par leurs pairs, ce qui les pousse au consensus. Mais ils ont aussi besoin d'apparaître dans la presse, ce qui les force, dans l'autre sens, à se singulariser en « exagérant les divergences d'opinion » !
Certains économistes font profession de « se faire l'avocat de vues saillantes » pour attirer l'attention des journalistes, notent les auteurs auxquels on ne peut s'empêcher de donner raison, quand on voit si souvent la presse accorder autant de poids au jugement d'une alouette qu'à l'avis d'un cheval.
Le consensus, il existe a minima sur l'humilité que doivent adopter aujourd'hui les économistes quant à leur savoir.
Olivier Blanchard, chef économiste du FMI, en faisait sa doctrine à l'issue d'un vaste colloque qu'il avait réuni en avril pour « Repenser la macro-économie » : « Il y a beaucoup de questions et encore peu de réponses. »
Le prix Nobel Joseph Stiglitz, keynésien pur sucre, admettait à ce colloque que le monde en « transformation structurelle » posait plein de questions nouvelles.
Le libéralisme a protégé des petits chocs mais pas des gros (la finance), dit-il. Il faut réfléchir moins à la monnaie et plus aux circuits du crédit. Il faut trouver manière à limiter la volatilité (la précarité) et les inégalités. Il faut, plus globalement, utiliser des outils plus nombreux et plus complexes contrairement au libéralisme qui se borne à fixer le taux d'intérêt à court terme et à s'en remettre pour le reste au laisser-faire.
Cette complexité, il la revendique sur les deux grands chapitres de l'économie : La politique monétaire et la politique budgétaire.
Pour la première, il note que l'inflation n'est plus ce qu'elle était, elle bouge peu. Des risques s'accumulent, des bulles, mais « elles sont invisibles de la surface ».
Il faut regarder sous l'eau et mettre en place des politiques préventives que les économistes nomment « prudentielles ».
Des premiers pas sont faits avec les pare-chocs de type Bâle III, mais ils ont le défaut d'être grossiers et d'assécher le crédit donc la croissance. Il faudrait les faire dépendre de l'état de la conjoncture.
La politique budgétaire se dessine quant à elle, plus consensuelle et plus complexe : La dette fragilise la croissance, mais plus dans certains pays que d'autres (pourquoi la Belgique est-elle épargnée par les marchés quand l'Italie est attaquée ?).
La réduction de cette dette est nécessaire. Mais la baisse des déficits doit faire l'objet d'engagements crédibles de moyen terme pour soulager la croissance à court terme.
Cette nouvelle politique économique, pragmatique, prudente, affinée, fait l'objet d'un consensus croissant. Chez Natixis, on le confirme autant pour ce qui est du sauvetage de la zone euro ou que du redressement de l'économie nationale.
Et les économistes ne se battent entre eux que dans les journaux !
Dans leurs écrits, ils disent, modestement, la direction à prendre. Leur problème est aujourd'hui que « pour des raisons politiques ou idéologiques, leurs recommandations ne sont pas mises en application » par les gouvernements.
Notamment quand le Sénat questionne un économiste de réputation mondiale sur le rôle de la finance dans « la crise », en la personne de « Déesse-khâ », un type qui a tellement peu écrit ou dit sur l’économie en général, que ses travaux de recherche et ses communiqués font forcément la pluie et le beau temps dans le cerveau de nos sénateurs réunis en commission pour l’écouter causer…
C’est dire !
Mais à Aix-en-Provence, devant un tas d’économistes très sérieux qui font partie des grands medias, des grandes banques, des grandes universités et tout le tintouin, vous aurez remarqué que le ministre de l’Économie en exercice s’est fait siffler et huer !
Ne manquent pas de cran, les « langues de bois » !
Cela révèle surtout le fossé immense, béant qui existe désormais entre un gouvernement d’une incompétence crasse et fondamentalement idéologue, subissant la situation sans aucune politique et les corps intermédiaires qui font tourner notre pays et les classes moyennes qui s’effondrent sous la double pression du chômage et des augmentations d’impôts.
Et nous avons eu droit à un « Moscou-vicie » pathétique expliquant sans convaincre que les hommes politiques et les économistes ne font pas le même métier…
Cette phrase, qui a provoqué également un petit moment d’hilarité dans la salle, prouve s’il en était encore besoin la bêtise de nos ministres qui décidément n’ont strictement rien compris au film qui se déroule sous leurs yeux.
Car sachez que désormais, et depuis maintenant quelques années, c’est bien le poids d’une économie hypertrophiée et dans tous ses domaines qui conditionne fondamentalement tout acte politique.
Toute politique ne peut plus se définir, par essence même, que par rapport à l’économie.
Depuis plus de 10 ans, ce gouvernement comme ceux qui l’ont précédé, accompagne le développement d’un système économique et d’intérêts financiers privés en ayant abdiqué totalement toutes les prérogatives politiques, démocratiques et de souveraineté attachées aux mandats électifs confiés par les peuples.
Comment pouvez-vous dire que politiques et économistes ne font pas le même métier alors que tous les faits prouvent et montrent indubitablement que notre classe politique ne fait plus que servir la soupe à des groupes de pressions ?
Eux-mêmes organisés sous forme de lobbies dans l’opacité la plus totale en étant soumis à des conflits d’intérêt dont le dernier en date touche ni plus ni moins que « François III », parfaitement « normal » avec pour une de ses plus proches collaboratrices épouse dans le civil du patron d’un très grand groupe de fabrique des tubes pour l’exploitation gazière et pétrolière…
D’où la sortie tonitruante de « Delphes-Bateau-sur-l’eau » sur l’exploitation des gaz de schiste dans notre pays…
Magnifique, non ?
Nous n’envoyons presque plus de jeunes gens mourir dans des tranchées mais la guerre est devenue économique et ses victimes sont les chômeurs et les peuples qui s’appauvrissent chaque jour qui passe pour conforter les bénéfices d’une petite caste de moins en moins nombreuse.
Aujourd’hui, plus que jamais dans l’histoire de l’humanité, la politique est devenue économique.
Les politiques doivent reprendre en main l’économie et ne pas céder la politique et la démocratie à des intérêts privés.
C’est pourtant ce qui se passe depuis trop longtemps.
C’est ce qui explique notre incapacité collective à apporter des réponses à cette crise qui non seulement n’en finit pas, mais qui, on peut le prévoir sans se tromper, va s’aggraver, avec des conséquences sociales et sociétales dont nos koncitoyens bercés d’illusions n’imaginent pas un seul instant l’ampleur des conséquences qu’ils devront affronter… et des drames qu’ils risquent de subir.
Monsieur le ministre de l’économie, vous faites ce métier-là par choix politique, alors ne dites donc pas que ce n’est pas le même que les « économistes », même s’ils sont « crasse » et de peu d’utilité pour vous (et tous), mais ne vous étonnez pas qu’on puisse se gausser de vos propos.
Conclusions du moment : Avec un ministre de l’économie qui ne fait pas d’économie, des économistes qui ont du mal à faire leur métier, finalement, comment voulez-vous que ça aille mieux dans ce pays ?
Autant laisser faire, laisser aller, les marchés se chargeront bien de remettre à leur place toutes ces « mouches-du-coche » !
Ainsi, les « classiques » auront le dernier mot sur les keynésiens.
Comme si ce n’était pas déjà une évidence…
Enfin, passons : Je me suis bien marré, pour une fois !