Quand un énarque-HEC fait la leçon…
Voilà un pur produit de l’élite-éliteuse de mon pays qui se fait payer pour énoncer quelques vérités incontournables sur le sort du pays.
Moi, j’aime bien.
L’ex-Président de la SNCF de juillet 1996 à juillet 2006, qui a été nommé co-président d'EADS le 2 juillet 2006 et PDG d'Airbus le 9 octobre de la même année pour devenir le 14ème patron le mieux payé du pays avec 2,52 millions € en 2008 est pour le moins … « mesuré » (22), pour le coup.
On note dans sa biographie que le 10 octobre 2011, il fonde La Fabrique de l'Industrie, un laboratoire d'idées, destiné à ouvrir et stimuler la réflexion sur les enjeux et les perspectives de l'industrie. Mais pour la bonne bouche, il est également président de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (FNARS), une fédération française d'organismes et d'associations proposant aux personnes en situation de grave détresse sociale un accueil, un hébergement et une aide à la réinsertion sociale (par le logement donc, archi-subventionné).
Le 6 juin dernier, il est nommé commissaire général à l'investissement en Conseil des ministres. Et le 11 juillet dernier, il est chargé par le Premier ministre de la rédaction d'un rapport sur la compétitivité industrielle (c’est marqué en toute lettre dans sa lettre de mission, VLADIMIR), qu'il remet lundi dernier.
Petit-rappel du bonhomme :
– 1972-1981 : direction du Trésor, ministère des Finances,
– Mai 1981 : directeur de cabinet du « Che », ministre de la Recherche et de la Technologie,
– Septembre 1982 : directeur général de l’Industrie, Ministère de l'Industrie,
– Octobre 1986 : chargé de mission au ministère de l’Économie, des Finances et de la Privatisation,
– Mai 1988 : directeur de cabinet du « Che », ministre de la Défense,
– 5 juillet 1989 : PDG de la Snecma,
– Juin 1992 : PDG de l’Aérospatiale,
– Juillet 1996 : président de la SNCF,
– 2 juillet 2006 : co-président d'EADS,
– 9 octobre 2006 : président d'Airbus,
– 16 juillet 2007 : président d'EADS et Président d'Honneur de la Fondation EADS,
– 6 juin 2012 : commissaire général à l'investissement, dans le cadre du Programme des investissements d'avenir (ex. « Grand emprunt »)…
Un « bonne connaissance » de l’entreprise privée, donc… mais publique !
Il est également membre du conseil d’administration d’Air-Transe, membre du conseil d’administration de l’École Centrale de Paris, président du groupe de réflexion sur l'industrie, « La Fabrique de l'Industrie », et donc président de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale.
Mais aussi après avoir été membre du conseil d’administration de Thales, président du conseil d'administration de l'Association nationale de la recherche et de la technologie.
Bref, une « pointure », bien dressée sous les ors des palais républicains et des entreprises d’État qui lui ont bien rendu…
Alors qui mieux que lui, à part « D’jack @-Tali » (pris comme le pluriel de « talus »), dont il dit s’inspirer sans reprendre ses propositions pour éviter de faire « des doublons », peut faire quelques propositions d’apparatchik ?
Où s’il « s’inspire » du fameux rapport aussi vite enterré qu’il y a 5 ans, le sien va donc avoir un destin équivalent, non ?
Commençons par le commencement : De quoi s’agit-il ?
Bé de 22 propositions :
1ère proposition : l’État s’engage à ne pas modifier cinq dispositifs, au moins, au cours du Quinquennat :
- le crédit impôt recherche ;
- les dispositifs dits « Dutreil » favorisant la détention et les transmissions d’entreprises ;
- la contribution économique territoriale (68 modifications de la taxe professionnelle en 35 ans !)
- les incitations « sociales » aux jeunes entreprises innovantes, rétablies à leur niveau de 2010 ;
- les dispositifs en faveur de l’investissement dans les PME, notamment « l’IR PME » et « l’ISF PME » (annonce du Président de la République à la Remise des Prix de l’Audace Créative).
S’il n’y avait que celles-là à « ne pas toucher », ce serait déjà très bien, car la proposition vise à sécuriser l’existant (sanctuariser sans amélioration ?), en fait pour donner de la « lisibilité » aux chefs d’entreprises … industrielles !
2ème proposition : introduire dans les Conseils d’Administration ou de Surveillance des entreprises de plus de 5.000 salariés, au moins 4 représentants des salariés, sans dépasser le tiers des membres, avec voix délibérative, y compris dans les comités des conseils.
Un gros délire, mais passons…
L’objectif est plus fin que ça : Sous-jacent, il verrait bien d’introduire :
– Le droit de vote double serait automatiquement acquis après deux ans de détention des actions, l’Assemblée Générale ne pouvant le remettre en cause qu’à la majorité des 2/3 ;
– Un seuil de détention des actions entraînant automatiquement le lancement d’une OPA abaissé de 30 à 20 ou 25 % pour lutter contre les prises de contrôle « rampantes » et déstabilisantes ;
– Un équilibre des points de vue plus favorable au long terme au sein des conseils d’administration ou conseils de surveillance des entreprises d’une certaine taille (justement les entreprises de plus de 5.000 salariés) qui serait assuré par la présence, au-delà des actionnaires et du management, d’au moins 4 représentants des salariés (sans dépasser le tiers des membres).
Et de préciser : « Ils auraient, comme les autres administrateurs, voix délibérative, y compris dans les comités des conseils. Ils seraient, bien sûr, soumis à l’obligation de confidentialité. Un des administrateurs de ce collège, pourrait être extérieur à l’entreprise et nommé par le syndicat le plus représentatif.
La France rejoindrait ainsi les 12 pays européens qui ont mis en place la représentation des salariés dans les organes de gestion des entreprises privées d’une certaine taille. »
S’il s’agit de retirer du marché des OPA hostiles les quelques centaines d’entreprises de grandes entreprises en faisant avaler des « pilules empoisonnées » à ses prédateurs, pourquoi pas.
Mais il y a d’autres solutions plus efficaces et puis ça dévalorise les titres en bourse et donc la capacité à lever des fonds propres desdites entreprises…
Un peu contre-productif, en somme !
3ème proposition : créer un Commissariat à la Prospective, lieu d’expertise et de dialogue social.
Encore un « bidule » ?
Mais pour accompagner chaque Loi de Finances d’un rapport sur la situation de l’appareil productif fondé sur les travaux du Commissariat.
Comme si il ignorait que le Parlement a déjà toute latitude pour enquêter via des commissions parlementaires sur n’importe quel sujet qui touche à la Nation…
4ème proposition : créer un choc de compétitivité en transférant une partie significative des charges sociales jusqu’à 3,5 SMIC – de l’ordre de 30 milliards d’euros, soit 1,5 % du PIB – vers la fiscalité et la réduction de la dépense publique.
Ce transfert concernerait pour 2/3 les charges patronales, et pour 1/3 les charges salariales.
On sait déjà le sort qu’il en sera fait par les équipes de « François III ».
Nous y reviendrons à l’occasion, mais il ne s’agira pas d’un « choc » mais d’une lente « budgétisation », autrement dit « fiscalisation », et partielle seulement…
5ème proposition : mener les recherches sur les techniques d’exploitation des gaz de schiste.
Fermer le ban.
Pourtant, l’homme insiste bien sur les effets bénéfique pour l’industrie (donc le tissu économique, donc sur le PIB et la balance commerciale, sur l’emploi, etc.) de l’avantage de bénéficier de « l’avantage Giskard » d’avoir une énergie « pas chère » (des infrastructures abondantes, des formations de pointe, un savoir-faire de haut niveau etc. Nous y reviendrons).
Et là il constate que bien des pays sont en avance sur le sujet, alors que nous freinons des « quatre-fers » sur le sujet pour d’obscures raisons dogmatiques et minoritaires.
De quoi me rappeler (ce sera le sujet d’un autre post … peut-être) l’affaire des britanniques qui avait inventé une loi anti-automobile pour protéger leur industrie du rail, obligeant chacune d’elle en circulation à être précédée d’un piéton agitant un drapeau rouge…
Résultat, ils ont loupé la montée en puissance de l’industrie automobile, pendant qu’en « Gauloisie ingénieuse » elle fleurissait comme coquelicots au printemps !
6ème proposition : aligner les conditions de crédit et des garanties export, en volume, quotité et taux sur le meilleur niveau constaté dans les pays avancés et créer un « prêteur direct » public.
On a déjà : La Coface et Oséo…
7ème proposition : sanctuariser le budget de la recherche publique et celui du soutien à l’innovation sur la durée du quinquennat.
Là encore, il s’agit de pallier le déficit relatif de « R&D » des entreprises privées, partant du principe qu’on est en retard sur le sujet et que sans innovation, notre tissu industriel ne fera que péricliter…
En fait, comme tous les « énarques », il « copite/collage » ce qui fonctionne ailleurs, sans pour autant se demander pourquoi nos « industrieux » ne font pas la même chose qu’à l’étranger.
Parce que naturellement, il y a des raisons sur lesquelles il n’évite pas de faire l’impasse…
8ème proposition : créer un mécanisme d’orientation de la commande publique vers des innovations et des prototypes élaborés par des PME : objectif de 2 % des achats courants de l’État.
Pas cher…
Même cause même effet, n’est-ce pas…
9ème proposition : créer, au sein de la BPI, un produit constitué d’actions de préférence sans droit de vote (bénéficiant en contrepartie d’une rémunération privilégiée).
Il ne le sait pas, mais c’est en cours de fabrication, seulement pour l’économie solidaire et associative… comme d’un ban d’essai.
J’y reviendrai quand j’aurai plus de précisions sur le sujet.
Mais en effet, pourquoi ne pas augmenter les fonds-propres des entreprises avec des titres sans droit de vote mais à dividende prioritaire ?
Actions, cessibles et négociables qui existent déjà dans l’arsenal juridique, aux côtés des actions classiques, des obligations à options et même des actions « amorties » !
10ème proposition : élaborer un équivalent du « Small Business Act », comme cadre de cohérence des dispositifs en faveur de la croissance des PME.
Depuis le temps qu’on en parle !
C’est sans doute ce qui a permis l’émergence de la plupart des industries innovatrices aux USA et en Angleterre ces dernières décennies.
Mais chez ceux-là, il y a aussi un statut du « business-angel » et du « capital-risker » aux avantages fiscaux sans commune mesure avec les taxations « des pigeons » et de notre nouvelle tranche à 75 %.
Bref on tourne le dos au dispositif pourtant si prometteur…
11ème proposition : conditionner les soutiens de l’État aux actions des grandes entreprises à leur capacité à y associer leurs fournisseurs et sous-traitants.
Très drôle.
Un retour aux sous-traitants en « auto-entreprenage » ?
Avouez qu’il y a de quoi rire…
12ème proposition : renforcer la gouvernance et les moyens des comités de filières de la CNI.
Oui, bon…
13ème proposition : donner aux Régions la responsabilité de coordonner l’action des différentes structures régionales en charge de promouvoir l’innovation et le développement de l’industrie, ainsi que d’animer le dialogue social.
Voilà bien une mesure qui peut générer le meilleur (une véritable dynamique créée par des élus qui n’y connaissent rien), comme le pire (22 droits différents contre toute attente de l’Unité de la Nation et de son corpus législatif).
Là, j’ai des doutes…
14ème proposition : systématiser la présence des entreprises dans la gouvernance de l’enseignement technique et professionnel au niveau des établissements (Conseils d’administration), des Régions (établissement des cartes de formation) et au niveau national.
Oui, absolument, sauf que « les entreprises », elles n’ont pas le temps. Il n’y a que des « fonctionnaires-syndiqueux », les permanents des grandes centrales syndicales qui peuvent y aller et toucher les jetons de présence…
15ème proposition : doubler le nombre de formations en alternance sur la durée du quinquennat.
D’ac !
On parle même de 500.000 dixit « J’y-Aime-Air-Haut »…
À condition que ce soit l’entreprise qui demande pour son salarié, dans le cadre du DILF, quand il s’agit de faire évoluer le salarié dont on sait pouvoir user de ses compétences nouvellement acquises…
Pas la peine de former des « alpha ++ » si c’est pour les mettre au chômage la faute à ne plus avoir besoin de lui dans la boutique qui paye la formation !
16ème proposition : demander aux partenaires sociaux de négocier les modalités de mise en œuvre d’un compte individuel de formation, « crédité » soit au début de la vie active, soit chaque année, et attaché non au statut, mais à la personne.
Un détail, mais qui peut être retenu… sous les réserves ci-dessus.
17ème proposition : confirmer aux Commissaires aux comptes qu’ils doivent obligatoirement joindre à leur avis sur les comptes de l’entreprise, un rapport sur le crédit interentreprises. Prévoir des sanctions administratives (DGCCRF) en cas de manquement aux règles sur les délais de paiement.
Comme si ce n’était pas déjà le cas !
Quelle ignorance…
18ème proposition : allonger la « durée » des contrats d’assurance vie par une adaptation de leur régime fiscal ; avantager fiscalement les contrats en unités de compte (c'est-à-dire investis en actions) et les « contrats diversifiés » par rapport aux contrats dits en euros (placements essentiellement obligataires).
Et c’est qui qui va souscrire aux emprunts d’État en vue de son indépendance à favoriser par rapports aux marchés ?
Mais derrière cette mesure, il s’agirait d’orienter l’épargne populaire, non plus vers les logements sociaux (dit à long-terme), mais vers l’industrie…
Le Cac 40 quoi…
19ème proposition : doubler en cinq ans la capacité de France Investissement (BPI) à développer des partenariats public-privé dans le domaine du capital-investissement pour soutenir les entreprises ayant de forts besoins d’investissement au moment de l’industrialisation de leurs innovations.
Pourquoi pas ?
20ème proposition : donner au CGI la mission de porter trois priorités techniques et industrielles : (1) les technologies génériques, (2) la santé et l’économie du vivant et (3) la transition énergétique.
Ok : Pourquoi pas !
Mais il n’y a pas que ça dans la vie des entreprises : Il faut aussi donner à becqueter à tout le monde, les loger, les habiller, entre-autre.
21ème proposition : accompagner toutes les décisions européennes concernant la concurrence d’un avis d’experts économiques et industriels extérieurs à la Commission ; cet avis serait public.
Encore un « bidule » ?
De toute façon, ce serait au Parlement Européen d’en décider, non ?
22ème proposition : autoriser les entreprises qui le souhaitent à faire présider le Comité d’Entreprise par un représentant des salariés.
Arf !
De toute façon, ce sont déjà eux qui la clé du coffre et de la caisse…
En bref, rien de transcendantal dans ces 22 propositions pour le moins un peu décevantes.
En revanche, et c’est là où c’est curieux, le diagnostic de l’état du pays, non seulement tout le monde peut en être d’accord tellement c’est clairement exposé (nous y revenons dès demain), mais il n’en tire pas les mêmes conclusions que chacun devrait en tirer, à savoir que mon pays à de l’avenir, mais pas dans l’industrie.
Alors pourquoi encore claquer du pognon supplémentaire pour sauver ce qui ne peut plus l’être ?
C’est à se demander…