Cher André-Jacques,
Tout d'abord, une première réaction : Je ne sais pas comment vous êtes arrivé à m'identifier comme un « correspondant valable » à vos yeux, mais je me sens flatté au plus haut point qu'un aussi illustre personnage que vous puisse donner quelque importance à mes propos !
Et naturellement, je vous en remercie vivement !
Quoique, en même temps, votre lettre m'a bien obligé à occuper « mon neurone » pendant cette période où je comptais le mettre au repos, loin, planqué de tout, histoire de voir « pousser ma nichée » dans un endroit où je plante volontiers mes racines personnelles et qu'elle ne reconnaît pas z'encore à sa juste valeur...
Finalement, c'était un peu contrariant. Même si je ne vous en veux pas pour autant.
Et puis, je me suis permis de lancer une première réponse, décalée, naturellement, qui n'en était pas vraiment une.
À la réflexion, il convient d'ajouter quelques réactions à votre diagnostic : Il est naturellement parfaitement juste ! Comment le nier ?
En quelques décennies, cette espèce menacée depuis toujours qu'est l'homo sapiens, a connu un essor sans précédent, jusqu'à façonner son univers immédiat, son environnement, quasiment dans les moindres détails, par son activité laborieuse et son talent.
Vous conviendrez avec moi que cette espèce de vertébré est assez originale dans le panel de la création pour n'avoir aucune défense naturelle, aucune spécificité congénitale qui la rendrait résistante plus que d'autres, aucune « arme » qui lui permettrait logiquement de faire face à toutes les agressions de son environnement et à l'agressivité de ses prédateurs naturels, sinon son cerveau !
Et encore, celui-ci est si petit en comparaison à d'autres espèces (éléphant, baleine,...) qu'on se demande comment il a pu être aussi complexe.
Tout en remarquant également, que tout cela ne serait rien, si nos lointains ancêtres n'avaient pas su maîtriser le feu, qui permet de cuire des aliments, facilitant la digestion, refoulant le sang en surabondance ailleurs que dans le tube digestif, donc vers le cerveau !
Mais ce n'est pas le plus important...
Vous touchez « juste » quand vous affirmez que l'espèce est sortie de la phase « agro-pastorale artisanale », il y a très peu de temps (par rapport à la durée de son histoire qui remonte à l'aube de l'Humanité), entrant de plein pied dans une ère d'abondance fondée sur deux postulats complètement faux : l'abondance illimitée des ressources naturelles mises à disposition (c'est le « choc de 1968 », lorsque Bormann et ses équipiers sont allés faire un tour autour de la Lune) et la monnaie limitée.
C'était au XIXème siècle, et je me souviens encore de ma grand-mère m'expliquant qu'elle était persuadée que le progrès des connaissances serait tel, qu'arrivée à son tour à un âge canonique, même la mort serait vaincue ! Certes, elle n'est plus là pour témoigner : faites moi confiance, c'était bien son propos, sa vision de l'avenir quand elle était à son tour « petite fille »...
Vous touchez « juste » en constatant qu'aujourd'hui, nous nous rendons compte enfin que les ressources naturelles ne sont pas inépuisables et que la monnaie est abondante au point de paraître illimitée !
Ça, pour être un ex-enfant post-soixante-huitard, non seulement j'en suis persuadé depuis que je suis né, mais autant le rapport du Club de Rome que les mouvements de la jeunesse de la fin des années 60, ont fini de convaincre tout le monde : c'est d'ailleurs symptomatique et étonnant qu'un Cohn-Bendit, soit passé directement de la contestation d'un ordre établi à une vision « écologiste », voire malthusienne de l'humanité !
Très révélateur...
De même, il n'est pas faux, car c'en est la conséquence, d'imaginer que le modèle économique occidental du « toujours plus », de la croissance à deux chiffres, est une impasse.
D'ailleurs, cela fait 4 ans que je guette les prémices d'un cycle long et ascendant de l'activité économique (les cycles de Kondratiev, dont l'évidence a finalement été confirmée par les « destructions créatrices » de Schumpeter des années 80/90 et le « choc » du 11 septembre 2001), sans rien détecter de probant à l'horizon, même à deux ans !
Le « modèle » défaille, semble-t-il...
Quelle que part, nous faisons donc le même diagnostic.
Et sachez combien je suis heureux « d'avoir raison »... avec vous !
Vous démontrez le bien-fondé de « mon pressentiment ».
Mais, ça s'arrête là !
Vous souhaitez que l'on rationalise l'épuisement programmé (le mot est fort, j'en conviens) de la ressource naturelle ! De mieux la gérer entre populations en devenir et celles qui ont atteint un haut niveau de vie.
Vous préconisez, d'une façon ou d'une autre, de rationner la quantité de monnaie dans le monde, pour en stabiliser la valeur. Il est vrai que ce serait une solution idoine.
Mais convenez avec moi que si l'abondance de monnaie génère nécessairement perte de sa valeur, que ce soit de façon rampante via l'inflation, ou brutale par « crises », par « hoquets », de destruction et correction de valeur, de façon redondante et réminiscente les excédents (l'or des Incas, mais c'est un peu loin pour que vous en souvîntes, la « bulle » immobilière des années 80, la « bulle » Internet des années 90, le « subprime » de la fin des années 2000, etc.), autant la restriction de monnaie a été toujours été accompagnée de « crises » sociales (je me souviens encore de la chute de l'empire Romain, du « mal-vivre » du Moyen-Âge, du scandale des assignats, de celui des emprunts russes, de la crise de 1929... tous manquants d'argent !) parfois plus qu'explosives et destructrices !
En bref, ce n'est vraiment pas la solution.
Quant à rationaliser l'exploitation des ressources naturelles, les « marchés » s'en occupent tout seuls par le jeu des cours.
Je ne sais plus quel prix Nobel franco-gaulois expliquait qu'il ne croyait toujours pas que l'on manque de pétrole un jour ou l'autre, vous savez, de celui que l'on brûle bêtement dans nos moteurs thermiques pour faire du mouvement...
Plus il deviendra cher, plus des solutions de remplacement apparaîtront, plus on pourra en extraire dans des conditions techniques difficiles, plus on pourra adapter l'offre et la demande, etc. Le cycle de l'or noir n'est donc pas près de se tarir...
Dès lors, exploiter mieux plutôt que plus, ça j'en conviens, mais pas par voie réglementaire ou interventionniste. La méthode n'est pas la bonne et j'y reviendrai.
Ça se fera tout seul... C'est déjà inscrit dans les gènes de l'économie moderne, le « capitalisme sauvage » tant décrié, le « libéralisme » honni par tant d'intellectuels sûrs de leur fait !
Je pressens personnellement, que c'est ce qui est en train de se mettre en place, là, sous notre nez et sans qu'on ne le discerne encore avec acuité ; une sorte de modèle de développement universel qui va vers le « durable », le perpétuellement renouvelable.
Bon d'accord, les initiatives du « Chi » sur le sujet, pour revenir au monde de la « Gauloisie avancée », celles de Borloo sont en soi une bonne idée.
Je ne crois pas que ce soit la solution : elles ne feront que cristalliser, peu ou prou, des « dogmes » qui vont s'opposer jusqu'à se neutraliser !
Globalement et avec mille nuances, il y a d'un côté le dogme de la « croissance raisonnée », totalement connecté à la technostructure ambiante, qui va y voir un moyen supplémentaire de s'enrichir, d'asseoir son pouvoir de « sachants » et pouvoir perdurer de façon totalement anti-démocratique, justifiant ainsi son existence.
Et par, opposition un dogme « écologiste malthusien » dont on sait par avance qu'il engendrera une « misère raisonnée » et une « liberticide attitude ».
On finira par ne plus pouvoir pisser qu'à certaines heures, parce que les engins de retraitement des eaux usées ne fonctionneront pas à toute heure, par souci écologiste de préserver la qualité de l'air ambiant, vous verrez !
L'un comme l'autre sont inadaptés à mon concept de l'humain... (et tant pis si je suis tout seul à le penser dans mon grand désert personnel !)
Car l'un comme l'autre mettent au cœur du problème l'homme... mais pour mieux l'asservir !
Or, l'Homme naît Libre, par nature, par essence, et toute tentative d'asservissement de l'Homme par un quelconque Léviathan est vouée à l'échec. Partout, tout le temps, tôt ou tard (et parfois tard, mais il vaut toujours mieux tard que jamais, ce jamais qui reste impossible, tout autant que le toujours) !
Et pourtant, c'est justement l'homme qu'il faut replacer au milieu de tout. L'homme et sa Liberté qui vivent, se nourrissent et consomment. L'homme qui produit et s'épanouit !
Le reste, la monnaie qui marque la valeur de ce travail de production, c'est du flan !
C'est du flan parce que la monnaie est devenue un marchandise, déconnectée de la valeur des créations de richesse des activités laborieuses qu'elle est censée représenter !
Ça fait 20 ans que je vis de découverts en découverts réguliers, voire épuisants et je ne suis toujours pas mort !
Pire, je me suis finalement enrichi à force de labeur (tout en restant au « rouge » chez mon banquier) ! Et maintenant je travaille pour « ma nichée ».
Mais d'argent, je n'en ai toujours pas (ce qui parfois m'escagasse au plus haut point, j'en conviens), vivant « au plus juste » pour faire bouillir la marmite : le reste est démonétisé !
La véritable réforme à envisager, c'est seulement de permettre au plus grand nombre de se passer de montagnes de pognon, et quand je dis le plus grand nombre, je pense « planète », telle que la masse monétaire ne serait plus que le reflet des échanges, là, immédiatement, au jour le jour !
On peut la remplacer par n'importe quel étalon, n'importe quelle « unité de compte » et l'universaliser !
Rappelez-vous André-Jacques, l'unification des monnaies à la Renaissance, a été le début de la sortie du Moyen-Âge économique sur le territoire du futur pouvoir absolu de Louis XIV.
Galvaudé par Louis XVI qui vidait les caisses plus vite qu'il ne pouvait les remplir.
Exactement comme actuellement avec l'État et ses comptes publics très contemporains.
Rappelez-vous, la Révolution française a imposé une unification des mesures (le système métrique), qui a permis à cette Nation là d'être le centre du monde scientifique et intellectuel, puis de surfer sur l'âge industriel !
L'arrivée de l'Euro annonce une nouvelle ère monétaire : il s'est apprécié du double de sa valeur en même pas un décennie (et se dépréciera tout aussi facilement si il devient une marchandise, ce qui ne va pas tarder).
Maintenant, il faudrait juste le « cadrer » avec une unité d'œuvre (UO) en volume de temps de travail pour qu'il ne reste qu'un étalon d'échange (et non pas une marchandise) : mais c'est une invention indispensable... que je ne sais pas faire tout seul.
C'est le défi de ma génération, pour préparer le devenir de nos gamins !
Et j'attends avec impatience celui qui parviendra à théoriser là-dessus de façon claire : ce serait le début d'une ère nouvelle pour toute l'humanité !
Mais peut-être suis-je un pauvre « nul du neurone » qui rêve tout éveillé !
On verra bien...