Pendant que le monde s’effondre…
Quelques-uns travaillent déjà à « conceptualiser » notre droit positif futur.
Si !
J’ai même eu un texte « confidentiel » au printemps dernier, reproduit ci-après, que j’avais emporté comme « devoir de vacances » sur mes plages de Balagne cet été, pour que j’émette un « avis avisé » tout aussi « confidentiel » : Y’en a qui pensent que je peux encore penser à autre chose qu’au sexe des femmes quand je pense à autre chose que de penser à leurs charmes émoustillant…
Soixante-neuf (chiffre érotique…, désolé, je ne pense qu’à ça, manifestement !) projets d’articles pour « tout dire » par la loi de ce que la jurisprudence a élaboré en deux siècles avec trois articles courts : Les « quasi-délits » civils, des articles 1382 et suivants du Code civil !
Je résume un semestre de cours à la faculté (comme je peux, hein !) : On nait responsable de soi-même dès l’âge adulte dans ce foutu pays que j’aime tant (sauf minorité et incapacité reconnue par un tribunal qui vous place sous curatelle ou tutelle).
On est donc responsable de ce que l’on contracte de faire, mais tout autant de ce que l’on fait hors tout contrat ou convention.
Sur le plan civil, n’est-ce pas : Sur le plan pénal, c’est une autre affaire, car il faut violer, par ses actes et bientôt mais pas encore par ses pensées, un texte de loi à caractère d’ordre public.
De ceux qui s’imposent à tous et dont on ne peut pas, même contractuellement s’exonérer.
Mais, mais, mais, dans sa grande sagesse, le législateur a prévu que celui qui « cause à autrui un dommage oblige celui par lequel il est arrivé à le réparer »…
Préjudice né de ses actes ou omissions, fautives ou non, mais tout autant du fait des personnes dont on a la « garde juridique » (du fait de la loi ou du contrat), des choses inanimées ou mobiles et foldingues, et des animaux, tout autant sous « garde juridique ».
L’air de rien, en quelques lignes, même quand tu mets par mégarde le pied sous le sabot de ma bestiole à le broyer, je suis réputé responsable du préjudice de te voir marcher avec un béquille et une prothèse.
Sympa, n’est-ce pas ?
Pour faire simple, les tribunaux exigent quand même une cause, un préjudice et un lien de causalité (plus ou moins direct selon les circonstances et la loi applicable, voire irréfragable ou seulement présumé quand la loi l’exige) entre la cause et le préjudice pour ouvrir droit à réparation (les dommages et intérêts).
Peu importe que la cause soit une faute, en revanche, je peux m’exonérer de toute réparation, partiellement quand tu glisses exprès ton pied sous le sabot de ma bestiole, et totalement en cas de guerre, de grève (bé oui !) ou d’un fait de la « force majeur », inopiné, imprévisible et insurmontable…
Si ton pied est écrasé par ma bestiole suite à la chute d’un astéroïde divagant, tu iras te faire voir !
Si ça demande près de 150 heures de cours en fac pour survoler, je dis bien « survoler » le sujet, parce qu’on en voit que quelques grands principes, c’est d’une part parce qu’on embraye assez sec sur la responsabilité contractuelle (qui ressort aussi de la « théorie des obligations ») avant d’aborder les « contrats spéciaux », et que d’autre part et l’air de rien, ces quelques lignes fondent aussi tout le droit de l’assurance, chose que l’on ne découvre en général que l’année suivante dans un module spécifique.
« L’assurance » jouera le rôle de « tiers-payant » le préjudice né ci-avant moyennant paiement préalable d’une « cotisation », mais exigera un « aléa », quel qu’il soit (durée, quotité, délai de survenance, etc.).
Passons : C’est un autre sujet.
Voilà comment le futur se présente :
« CHAPITRE DES DÉLITS
Article 1 : Constitue un délit civil tout dommage illicitement causé à autrui. »
Bizarre : le « caractère illicite » d’un délit civil, c’est nouveau. Mais c’est expliqué par la suite…
« Tout fait qui cause à autrui un tel dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Reprise in extenso de l’alinéa premier de l’article 1382 du C.C. : On se rassure !
« En l’absence de faute, la même obligation ne naît que dans les cas et aux conditions déterminés par la loi. »
C’est vrai que la notion de « faute » reste parfois centrale, mais pas toujours : Le projet veut donc redonner la main à la loi… en présumant d’une faute dès lors qu’il y a dommage !
Fort les meks…
« Article 2 : Indépendamment de la réparation du dommage éventuellement subi, le juge prescrit les mesures raisonnables propres à prévenir ou faire cesser le trouble illicite auquel est exposé le demandeur. »
Là, on ne cause plus ni de faute ni de dommage, ni encore moins de préjudice, mais de « trouble »…
Bel amalgame !
« Article 3 : Sauf disposition particulière, les atteintes à l’intégrité physique et psychique de la personne sont réparées d’après les règles du présent chapitre alors même qu’elles seraient causées à l’occasion de l’exécution d’un contrat. »
Vous aurez noté une extension (l’intégrité « psychique » aux contours assez flous) et un mélange inapproprié de deux types de responsabilité : La « contractuelle » et la « quasi-délictuelle ». On veut donc faire une vaste synthèse…
« Article 4 : L’inexécution du contrat ne donne lieu à dommages et intérêts qu’aux conditions et dans la mesure prévue par les articles ».
Confirmation !
« Section I. DU DÉLIT CIVIL EN GÉNÉRAL : § 1. De la faute :
Article 5 : La faute consiste, volontairement ou par négligence, à commettre un fait illicite. Un fait est illicite quand il contrevient à une règle de conduite imposée par la loi ou par le devoir général de prudence et de diligence. »
Nous y voilà !
Contrevenir à la loi, on sait ce que c’est, en revanche le « devoir général de prudence ou de diligence », c’est « beau comme un camion neuf », mais c’est relativement vague : Est-ce seulement le « principe constitutionnel de précaution » ?
Non, bien sûr.
Alors est-ce l’obligation intempestive de surveiller toutes ses casseroles de lait sur le feu, quel qu’en soit l’époque et le lieu en même temps ?
Peu probable…
Continuons.
« Article 6 : L’auteur d’un fait illicite qui cause à autrui un dommage alors qu’il était dépourvu de discernement n’en est pas moins obligé à réparation.
« Logique… Mais qu’en est-il de la « force aveugle » de Schopenhauer et des personnes morales sans âme ?
Ça vient tout de suite après !
« Article 7 : La faute de la personne morale résulte de l’acte fautif de ses organes ou d’un défaut d’organisation ou de fonctionnement.
Quand il n’y a ni faute, ni défaut d’organisation ou de fonctionnement, genre usine d’arme à feu de poing, il n’y a donc pas de « fait illicite », c’est bien ça ? « Une société ne répond du dommage causé par la société qu’elle contrôle ou sur laquelle elle exerce une influence notable que si, par une participation à un organe de cette société, une instruction, une immixtion ou une abstention dans sa gestion, elle a contribué de manière significative à la réalisation du dommage.
Il en va de même lorsqu’une société crée ou utilise une autre société dans son seul intérêt et au détriment d’autrui.
§ 2. Du dommage :
Article 8 : Constitue un dommage toute atteinte certaine à un intérêt de la personne reconnu et protégé par le droit. »
Un « truc » qui vise aussi les « usines d’obus » contrairement à l’ article précédent ?
« L’atteinte à un intérêt collectif, telle l’atteinte à l’environnement, est réparable dans les cas et aux conditions déterminés par la loi.
Article 9 : L’interruption d’un processus à l’issue incertaine ne peut constituer un dommage que s’il existait des chances réelles et sérieuses qu’il aboutisse à un résultat favorable.
§ 3. De la causalité :
Article 10 : Constitue la cause du dommage tout fait propre à le produire selon le cours ordinaire des choses et sans lequel il ne serait pas advenu.
Celui qui a causé le dommage ne répond que de ses suites immédiates et directes.
Le lien de causalité s’établit par tous moyens.
Article 11 : Sauf disposition contraire, ceux qui ont causé un même dommage en répondent chacun pour le tout. S’ils ont tous commis une faute, ils contribuent entre eux à proportion de la gravité de leurs fautes respectives. Si aucun d’eux n’a commis une faute, ils contribuent par parts égales. Si certains seulement d’entre eux ont commis une faute, ils supportent seuls la charge définitive du dommage.
Article 12 : Lorsqu’un dommage est causé par un membre indéterminé d’un groupe de personnes agissant de concert, chacune en répond pour le tout, sauf à démontrer qu’elle ne peut l’avoir causé. »
Tout ça, c’est de la « tambouille » qui résume assez bien l’état du droit positif actuel. Rien à en dire, sauf que la jurisprudence reste plus précise.
« § 4. De l’imputation du dommage causé par autrui :
Article 13 : On ne répond du dommage causé par autrui que dans les cas et aux conditions déterminés par la loi.
Dans tous les cas, cette responsabilité n’a lieu que lorsqu’est caractérisé un délit civil au sens du présent chapitre. »
Voilà qui n’est pas clair : C’est quoi un « délit civil » ?
Jusque-là, on parlait de « faute », volontaire ou par négligence, de « fait illicite », contraire à une loi ou au « devoir général de prudence et de diligence », pas de délit…
Une précipitation à assimiler « responsabilité contractuelle » et « non-contractuelle » (les quasi-délits) ?
Y’en a qui devraient peut-être reprendre leur « Juglar & Mazeaud », comme les matheux leur table « Bouvart & Ratinet »…
« Article 14 : Sont responsables de plein droit du fait du mineur :
– ses père et mère, en tant qu’ils exercent l’autorité parentale ;
– son tuteur, en tant qu’il est chargé de prendre soin de la personne de l’enfant ;
– la personne physique ou morale chargée par décision judiciaire ou administrative, ou par convention, d’organiser et contrôler à titre permanent le mode de vie du mineur.
Ces responsabilités sont alternatives.
Article 15 : Est responsable de plein droit du fait du majeur placé sous sa surveillance la personne physique ou morale chargée, par décision judiciaire ou administrative, ou par convention, d’organiser et contrôler à titre permanent son mode de vie.
Article 16 : Les autres personnes assumant, à titre professionnel, la surveillance d’autrui, répondent du fait de la personne surveillée, sauf à prouver qu’elles n’ont pas commis de faute dans la surveillance.
Article 17 : L’employeur est de plein droit responsable du fait du salarié commis dans son emploi. En cas de transfert du lien de préposition, cette responsabilité pèse sur le bénéficiaire du transfert.
L’employeur ou le bénéficiaire du transfert s’exonère en prouvant que le salarié a agi sans autorisation et à des fins étrangères à son emploi. Cette exonération n’a pas lieu si la victime démontre qu’elle pouvait légitimement croire que le salarié agissait à des fins conformes à son emploi.
Le salarié ne répond personnellement que du dommage qu’il a causé par sa faute intentionnelle ou en agissant sans autorisation et à des fins étrangères à son emploi.
Article 18 : Dans les cas où le lien de préposition ne procède pas d’un contrat de travail, le commettant répond du fait commis dans le cadre de sa mission par la personne physique qui lui est préposée. Le commettant s’exonère en prouvant qu’il n’a pas commis de faute.
Le préposé non salarié répond toujours de sa faute. »
Là, il faut marquer la pause-café-technique…
1 - On ne cause que du seul « salarié » dans l’article 17. Le texte originel causait en 1804 de « commettant », notion reprise dans le présent article 18.
Il faut dire que le « loueur d’ouvrage », l’ouvrier, le « compagnon du devoir » était souvent un « journalier » et que la notion de « salarié » est née bien plus tard…
2 – Mais c’est dire aussi qu’on persiste à exclure les « non-salariés » au sens du Code de la fonction publique : Ils ont tous les attraits et atours, y compris fiscaux et parfois sociaux du « salarié » et pourtant ils sont « agents-fonctionnaires » (qui a une fonction, parfois sans tâche à accomplir comme n’importe quel vrai-salarié qui fournit un « travail ») et ne touche pas un salaire mais un « traitement », même quand ils vaquent en « vacances » (qui en sont de vraies et non pas des « congés-payés »).
Vous suivez les « nuances » ? Elles ne sont pas seulement sémantiques, mais parfaitement épistémologiques !
3 – Faut signaler que la responsabilité de la fonction publique est notoirement plus complexe qu’il n’y paraît : On a coutume de distinguer entre « faute de service » et faute « du » service, « voie de fait » et « excès de pouvoir » (qui obéissent d’ailleurs à deux procédures distinctes avec des délais de prescription différents), « abus de pouvoir » et « prise illégale d’intérêt », et la « faute personnelle » de l’agent (qui n’est toujours pas un « salarié », mais un « agent de la fonction publique », pour être « fonctionnaire ») qui exonérait jusqu’à tantôt toute réparation à la victime…
Encore que quand elle est « grave » ou « lourde », le service en redevient responsable, hors le risque de « trouble à l’ordre public ».
Et là, on le met à l’abri tant qu’il n’a pas commis de faute… personnelle.
Et « intentionnelle », pourrait-on en conclure de « l’esprit du texte ».
Alors qui est responsable quand un type se tue avec un produit autorisé par l’administration, genre le « Médiator » ou les prothèses mammaires dégueulasses ?
Une belle confirmation que le « décideur » n’est jamais responsable… dès lors qu’il est fonctionnaire.
Essayer de faire la même chose avec un ingénieur qui te construit un pont qui s’effondre pour cause d’erreur de calcul des charges…
4 – Par ailleurs, on nous cause « de négligence », voire d’imprudence, qui forcément exclut « toute intention ».
Ceci a d’ailleurs des conséquences pour le statut de salarié entre « faute grave » et « faute lourde » quant à l’avenir de son contrat de travail, mais également quant aux recours des tiers : Jusque-là, ils se retournent nécessairement contre l’employeur, le salarié n’étant jamais assuré pour lui-même, donc réputé insolvable.
Mais tout autant, rechercher une intention dans la « négligence », c’est un peu la quadrature du cercle et bien la distinction, en matière pénale, entre le délit et la contravention : Quand vous dépassez de quelques kilomètres/heures la vitesse autorisée devant un radar automatique, on peut présumer qu’il n’y a pas eu d’intention, mais un « manque de vigilance » : C’est une contravention.
En revanche, il y a « délit » de grande vitesse, donc intention, quand vous jouez à rattraper un TGV le long de l’A7 ou de l’A4…
Vous saisissez toujours « les nuances » ?
En bref et jusque-là, on se demande si ce ne sont pas des étudiants-plumitifs de Nanterre Paris-X (la fac de droit qui a formé « juriste-plumitif » notre « Ô combien vénéré Président ») qui a pondu ce projet.
Mais il y a une suite que je vous réserve pour plus tard.