Imprimantes 3D
Une véritable révolution dans le concept même de « travail ». J’avais promis pas plus tard qu’hier de vous en parler.
L'histoire de l'impression en trois dimensions commence modestement.
En 1981, le Japonais Hideo Kodama raconte la toute première expérience.
En 1984, l'Américain Charles Hull fabrique une machine.
L’objectif est seulement de fabriquer des prototypes.
Une génération plus tard, les imprimantes 3D débordent largement ce but originel.
Elles savent forger des objets en plastique, en métal, bientôt en cuir ou en bois. Leurs prix baissent aussi vite que leur rapidité augmente, les premiers prix commencent aujourd'hui à 1.000 dollars.
Associées aux ordinateurs et à Internet, elles constituent le fondement d'une nouvelle révolution industrielle, la numérisation de la production.
Avec deux axes forts : Petites séries (et donc sur-mesure) et proximité (et donc relocalisation).
General Electric, Boeing et Ford s'y mettent déjà.
Autant dire que de larges pans de l'industrie basculent dans le recours intensif à cette technique de production.
En « Gauloisie-numérique », l'impression en 3D a longtemps été considérée comme un gadget.
Il y a bien sûr des pépites tricolores, mais il y a aussi des grandes entreprises bien placées pour devenir des champions mondiaux du secteur, comme Dassault Systèmes avec ses logiciels 3D.
Mais l'intérêt du grand public date à peine d'un an, à en croire les recherches faites sur Google.
Au gouvernement, « Fleur Pèle-rein », la ministre déléguée chargée de l'Économie numérique, a tenté de mobiliser les énergies autour des « fab-lab », ces laboratoires de fabrication organisés autour d'imprimantes 3D.
Mais ses collègues, tout occupé à jouer les caïds, ne semblent guère concernés.
La numérisation de la production va pourtant bouleverser les stratégies de localisation des entreprises, et donc jouer un rôle central dans le redressement productif du pays, ou son contraire.
Elle va d’abord bousculer les règles de la propriété intellectuelle. Un choc au moins aussi puissant que celui qui a frappé hier l'industrie musicale et qui pourrait bien toucher demain l'industrie tout entière, avec les plans d'objets qui circulent librement sur Internet.
Surtout, la numérisation de la production va déplacer la chaîne de valeur.
Et on ne produira plus jamais comme « avant ».
Mais partout et à tout moment.
Car demain, on deviendra tour à tour « investisseur », « producteur », « client » dans des configurations peu prévisibles, non programmatiques, aléatoires.
C’est une mutation est déjà à l'œuvre dans certains secteurs d'activité comme la banque ou la grande distribution.
Il suffira de disposer d’outils nouveaux et d’un logiciel pour toucher plein d’autres domaines de l’activité humaine.
Quand nous gérons nous-mêmes notre compte sur Internet, nous « travaillons » gratuitement à la place de notre banque quand nous passons nous-mêmes nos articles à une caisse électronique, nous « travaillons » à la place de la caissière.
Quand nous remplissons un formulaire administratif sur le Web, nous mâchons le travail de nos fonctionnaires, jusqu’au calcul de vos tiers provisionnels d’impôts.
D’ailleurs, les administrations supportent de moins en moins le papier…
Mais l'exemple qui peut nous amener le plus loin pour analyser cette « confusion des positions » et les ressorts sur lesquels elle se fonde est sans doute celui d'organisations telles que WikiLeaks. Ce type de structure propose d'agir en mettant à la disposition du public un ensemble de moyens sans présager de ce qui sera produit.
Nous sommes loin d'une production planifiée avec ses actions prescrites, ses ressources encadrées, ses résultats contrôlés...
Bien sûr, la comparaison avec les organisations marchandes est limitée par des finalités et un système de contraintes très différent. Mais ce qui reste fascinant avant tout, c'est que ces modèles proposent des systèmes de coopération ouverts, souples, agiles, rigoureux, associant plusieurs milliers de personnes... et qui marchent !
L'éphémère devrait devenir, sinon la norme, du moins une tendance montante des organisations de demain. On produira selon des configurations d'équipe ad hoc, des temporalités et des modalités nouvelles, sur des missions ponctuelles, adaptées, sur-mesure.
Première caractéristique de cette mutation est celle d'être construite autour d'interconnexions non maîtrisées a priori : Une chaîne d'individus agissant en dehors de tout process global cohérent, organisé, prédéfini, maîtrisé par quelques-uns.
Les maillons s'articulent les uns aux autres alors même que ce maillage n'a pas été programmé. Il devient possible de « travailler » à plusieurs sans se connaître, depuis n'importe quel point du globe, sans prescription ni supervision.
Chacun configure sa place en fonction d'espaces laissés vacants ou d'actions nouvelles à construire.
Seconde caractéristique, la dispersion géographique, culturelle, fonctionnelle des contributeurs. Elle ne sera plus un problème car il existera de plus en plus de points d'ancrage communs matérialisés ici par des espaces numériques (plates-formes, réseaux, géolocalisation) mais également par des espaces physiques (espaces de co-working, espaces e-cool...).
Troisième caractéristique, ce ne sont pas les processus de décision, de production, de gestion qui primeront mais bien les moyens mis à la disposition de qui souhaitera s'en emparer.
À la différence d'une organisation classique, les moyens donnés aux contributeurs l'emporteront sur les process, réduits à leur strict minimum.
À charge pour chacun – et cela pose clairement des régulations à mettre en œuvre pour que ce « chacun » soit aussi « tout le monde » et non une élite de privilégiés – de les repérer, de s'en saisir et de les valoriser au mieux.
Quatrième caractéristique, l'engagement de ces contributeurs sera d'une durée et d'une étendue variable, sans que des cadres préétablis ne viennent fixer de façon claire et partagée les choses.
Plus précisément, il est probable que des contrats-cadre de forme multiples émergent pour fixer, dans les grandes lignes mais en conservant toute la souplesse nécessaire, les principes de la collaboration.
Chacun composera entre les besoins de l'organisation et son propre système de contraintes.
Cinquième caractéristique enfin, le bénéficiaire du système pourra aussi être son contributeur.
C'est même là une caractéristique majeure car elle fonde largement l'engagement, l'aisance et la souplesse nécessaire aux quatre premières caractéristiques.
Une impression de « confus » pourra donc naturellement se dégager de ces nouvelles formes de production collective, mais en fait, ces positions se « confondront », voire se co-fonderont.
Le couple « contribution/rétribution » se complexifiera : Une rétribution élevée pourra être le fruit d'une contribution faible (et inversement) si on la regarde à un instant dans un périmètre étroit.
Mais si on reconstruit le chemin qui a conduit à cette rétribution, on découvrira des contributions qui n'ont donné lieu à aucune rétribution au moment où elles étaient produites, si ce n'est celle de pouvoir continuer à « jouer » en misant sur le fait que « ça paiera un jour », sans bien savoir ni quand ni quoi ni comment.
On comprend mieux pourquoi les notions de planification, de répartition stable du travail, de mesure, de contrôle risquent de se vider de leur sens, voire de devenir contre performantes.
Et pourtant, cette dernière forme « classique » de la division des tâches sera encore largement dominante chez tous les « producteurs/vendeurs » assis.
Assis autour de leur établissement et outil de travail (commerce, production de masse).
Contrairement à la nouvelle e-économie qui va s’articuler autour de ces nouveaux outils « additifs » de fabrication d’objets personnalisables à l’infini, jusqu’à devenir « virtuelle » dans son assise, évanescent pour « flotter » n’importe où.
Car il s'agira au contraire d'évoluer dans un espace aux contours mouvants, de ne pas programmer, ce qui ne veut pas dire de ne pas se fixer des caps, de se réajuster en permanence, d'être dans une économie du temps fluctuante, d'accepter de contribuer sans bien savoir ce que ça rapportera et si même seulement ça rapportera, de développer les responsabilités pour permettre au contrôle de s'auto-administrer dans une certaine mesure.
Bien sûr, ce système n’est pas un modèle qui remplacera l'actuel et sera celui que devrait suivre nos organisations de demain.
En revanche, on peut y voir des caractéristiques nouvelles susceptibles de préfigurer de nouvelles formes de système de production et imposant une approche organisationnelle et managériale radicalement différente.
Ces technologies permettent des changements radicaux, mais c'est la société dans son ensemble qui leur donnera sens.
Notamment dans le lien entre « lieu de production » et « travail » : On viendra à son travail d'abord parce que ce sera un moyen – un bureau, une salle de réunion, un équipement bureautique, une convivialité… – dont on aura besoin pour produire, et non pour se conformer aux horaires stipulés dans le règlement intérieur, à l'injonction de son manager ou au contrôle de la pointeuse.
Et comme le déplacement vers son lieu de travail étant perçu comme coûteux – temps perdu insupportable dans un monde où l'on cherche constamment à gagner du temps, transport de plus en plus mal considéré sur le plan environnemental et individuellement, activités sociales qu'on ne sait plus gérer si elles ne sont pas diluées dans l'espace-temps professionnel –, il faudra de solides raisons pour s'y rendre.
Avec le télétravail déjà relativement important dans nos sociétés, un rapprochement entre la sphère privée et la sphère professionnelle, les espaces de travail devront être davantage confortables, rester à proximité des environnements plus familiers, plus chauds, plus détendus.
Les entreprises qui le pourront (surtout les PME et TPE) préféreront le cœur de la Cité aux atmosphères froides des zones d'activité commerciale.
Et des espaces de travail communs seront également conçus pour renforcer la création de valeur (au sens économique du terme).
Reste à améliorer quelques effets-pervers. L’exemple de « Free » ou de la Banque-virtuelle est un lourd handicap psychologique : Pas de guichet pour récupérer un mot de passe oublié, un code, une clé informatique à l’occasion d’un écrasement de disque-dur ou de la perte d’un identifiant.
Je peux vous en dire un mot, moi qui « casse » du hard tous les deux ans avec un abonnement free qui se trouve au diable-vauvert, incapable que je suis d’aller leur laisser seulement le choix entre « canal habituel » ou « canal historique » (pour l’attentat à venir qui les dévastera au moins à la mesure de leur incapacité à régler « mon » problème du moment).
Alors que ça marche « très fort » et avec un sourire devant n’importe quel guichet, même ceux du fisc.
Mais bon, ce ne sont que des « péripéties » qui seront contournées tôt ou tard.
En bref, réfléchissez-y : Demain n’étant jamais pareil que ce jour (unique), comment créerez-vous de « la valeur marchande » pour survivre ?
D’ailleurs, jeunes-gens, comment donc l’État qui vous pompe tout votre pognon va-t-il s’adapter pour vous en piquer encore plus ?
Une question aujourd’hui sans réponse… puisqu’il n’aime que ce qui peut être saisi.
Et tout ça, parce qu’un nippon a « pensé » l’imprimante 3D !
Une époque fastueuse finalement.
Faut vous rappeler : Hier, les texans foraient leur sous-sol pétrolifère juste pour remplacer l’huile de baleine qui servait à les éclairer la nuit.
Vous avez suivi l’évolution, depuis ?
On a été jusqu’à en marcher sur la Lune…