§.2 – Les autres activités commerciales traitées comme des salaires
On peut citer quelques remarquables assimilations d’origine légale ou doctrinale, s’appuyant alors sur le critère du lien de subordination dégagé par la jurisprudence (cf. Chapitre Ier).
§.2.1 – Les chauffeurs de taxi
Sont considérés comme salariés les chauffeurs de taxi qui exercent leur activité dans des conditions analogues à celles indiquées ci-dessus, à la différence près[1] :
– Que leur travail est contrôlé non seulement par le relevé des compteurs kilométriques, mais aussi par celui des taximètres ;
– Qu’ils sont embauchés et licenciés dans les mêmes conditions que tout salarié.
Mais ne constituent pas des salaires les sommes perçues par les chauffeurs de taxi lorsque la société propriétaire des voitures qui leur sont confiées[2] ne leur donne aucune directive quant à leurs horaires et à leurs conditions de travail, et se borne à procéder périodiquement au relevé des compteurs kilométriques et à percevoir une redevance proportionnelle au nombre de kilomètres parcourus, sans que les intéressés soient tenus de rendre compte des recettes qu’ils ont perçues de la clientèle, ni même de l’emploi qu’ils ont fait du véhicule.
§.2.2 – Les courtiers et agents commerciaux
Alors qu’un courtier, travaillant pour un groupe financier, organisant son activité de recherche et de démarchage de sa clientèle selon ses propres méthodes en déterminant lui-même ses tournées, ses horaires et son propre emploi du temps ainsi qu’en faisant appel à des mandataires indépendants dont il assurait la formation concernant les produits de la société, il a pu être décidé que ces conditions excluaient tout lien de subordination caractérisant un contrat de travail[3].
Inversement, si un lien de subordination existe entre le courtier et son donneur d’ordre, ses rémunérations, quand bien même soient variables, seront des salaires.
§.2.21 – Les démarcheurs d’agence immobilière
Tout pareillement, le démarcheur qui dispose d’une certaine indépendance dans l’exercice de son activité, n’est pas tenu à des heures de présence régulières et est rémunéré par un pourcentage variable de la commission acquise à l’agence doit être regardé comme un salarié.
Notamment s’il lui est interdit d’effectuer des opérations analogues pour son propre compte ou pour celui d’autres agences, qu’il ne peut se prévaloir d’aucun droit de suite sur les clients trouvés par lui et qu’il doit prendre chaque jour les instructions de l’agence qui se réserve le droit de ne pas donner suite aux affaires engagées par lui[4].
§.2.22 – Les gérants de maisons d’alimentation à succursales multiples
Les gains qu’ils réalisent dans l’exercice de leur profession sont fiscalement assimilés à des salaires[5].
Toutefois, seuls sont visés les gérants non salariés exploitant des succursales de maisons d’alimentation de détail ou de coopératives de consommation et répondant à la définition donnée par les articles L. 7322-1 & 2 du CdT (ex article L. 782-1 du CdT)[6].
Lorsqu’ils optent pour la déduction de leurs frais professionnels réels, ces gérants peuvent comprendre dans le décompte des frais les salaires qu’ils versent à leur personnel, ainsi que les charges sociales y afférentes.
Lorsque la recette de ces gérants est supérieure à celle qu’aurait dû normalement produire la vente des marchandises fournies par la société, l’excédent ainsi dégagé, dans la mesure où il constitue un gain réalisé par les intéressés en tant qu’ils agissent pour la société, doit être fiscalement considéré comme un salaire[7].
En revanche, le régime des salariés ne s’applique pas[8] :
– Aux gérants de maisons d’alimentation à succursales multiples pour les gains qu’ils retirent de la vente de certains articles pour leur propre compte ;
– Aux gérants non salariés des coopératives de ventes ou d’achats, dont les rémunérations constituent des revenus non commerciaux ;
– Aux gérants non salariés des maisons à succursales multiples autres que les maisons d’alimentation.
§.2.3 – Les Artisans pêcheurs
Sont considérées comme des salaires les rémunérations dites « à la part »[9] qui reviennent, au titre de leur travail personnel, aux artisans pêcheurs ou, lorsqu’ils sont embarqués, aux pêcheurs associés d’une société de pêche artisanale définie par la loi n° 97-1051 du 18 novembre 1997[10] et non soumise à l’IS[11].
Car les parts qui leur sont attribuées en qualité d’armateur entrent dans la catégorie des BIC.
Notons que les marins pêcheurs qui exercent une partie de leur activité hors des eaux territoriales françaises sont exonérés pour les suppléments de rémunération destinés à compenser les sujétions liées à l’expatriation[12].
Le salaire de référence à retenir pour le calcul de la fraction de rémunération exonérée s’élevait à :
– 16.614 € pour l’imposition des revenus de 2006 ;
– 16.913 € pour l’imposition des revenus de 2007[13].
– Etc.
Sous-section II – Les activités libérales fiscalement traitées comme des salaires
Autant la loi intervient volontiers pour imposer quelques solutions en matière de BIC, autant, la jurisprudence et la doctrine administrative vont s’appuyer sur la réalité ou non d’un lien de subordination pour faire basculer dans la cédule des traitements et salaires des sommes perçues dans le cadre d’activités a priori libérales.
En tout premier lieu, il convient de définir ce qui est considéré comme profession libérale (§.1), avant de préciser la distinction entre activités professionnelles ou non professionnelles, principe du « réalisme du droit fiscal » prévalant (§.2).
Alors même que les conditions juridiques d’exercice des professions normalement considérées comme des BNC ont une parfois une large influence (§.3).
Pour finir par examiner quelques conséquences tirées de ces principes pour les professions dites intellectuelle (§.4), puis quelques à des cas particuliers (§.5).
§.1 – Les professions libérales : Quelques principes
§.1.1 – Définition
Ce sont des professions dans lesquelles l’activité intellectuelle joue le principal rôle et qui consistent en la pratique personnelle d’une science ou d’un art[14].
Les membres des professions libérales exercent leur activité en toute indépendance, ce qui les distingue des salariés ; leurs biens et actes sont, en principe, régis par le droit civil, ce qui les distingue des commerçants.
Les recettes provenant de l’exercice de ces professions constituent, dans une très large mesure, la rémunération d’un travail personnel. La clientèle normalement constituée intuitu personae ne peut, en principe, faire l’objet d’une cession.
Cependant, la jurisprudence reconnaît la validité des conventions par lesquelles les titulaires des professions qui cessent leur activité s’engagent, moyennant une indemnité, à ne pas exercer leur profession pendant un certain temps, dans un certain rayon, et à recommander leur successeur à leurs clients.
Certaines professions libérales sont organisées en Ordres (médecins, avocats, experts-comptables, géomètres, huissiers...) et leurs membres doivent respecter les règles de déontologie fixées par la profession.
§.1.2 – Précisions : Les collaborateurs des membres des professions libérales
Les membres des professions libérales qui apportent leur collaboration à des confrères, sans être placés vis-à-vis d’eux en état de subordination, sont considérés comme exerçant eux-mêmes une profession non commerciale.
C’est le cas, par exemple, d’un avocat qui effectue des travaux de rédaction de mémoires, d’études de dossiers ou de recherches juridiques pour le compte d’avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation dans des conditions excluant tout lien de subordination[15].
En revanche, sont considérés comme des salariés, les collaborateurs qui agissent conformément aux directives de leurs confrères et sous le contrôle de ces derniers, sans prendre ni initiative, ni responsabilité personnelle[16].
§.1.3 – Les conditions d’exercice de la profession
Les moyens mis en œuvre sont, en principe, sans influence sur le caractère non commercial des produits tirés de l’exercice de la profession libérale. Ainsi, le contribuable peut disposer de plusieurs cabinets, avoir recours à la publicité (si le Code déontologique de sa profession l’y autorise), employer des collaborateurs, sans que ces circonstances soient de nature à enlever à ses revenus leur nature non commerciale.
Cependant, une activité libérale par nature peut perdre son caractère non commercial et revêtir un caractère commercial lorsqu’elle met en œuvre des moyens humains, matériels et financiers importants[17].
Tel est le cas, notamment, de certains laboratoires d’analyses médicales.
Néanmoins, s’agissant de l’appréciation d’une situation de fait, le juge administratif examine chaque situation et retient, comme critère déterminant, le niveau de l’intervention personnelle du praticien[18].
§.2 – La distinction entre BNC professionnels et BNC non professionnels
Le traitement fiscal des résultats de l’activité libérale, va pour partie dépendre d’un certain nombre de critères factuels, notamment le caractère professionnel ou non de l’activité.
§.2.1 – Les Critères de la distinction
L’exercice d’une profession libérale ou de charges et offices présente un caractère professionnel, à la double condition que l’activité :
– Soit exercée à titre habituel et constant,
– Et dans un but lucratif.
§.2.11 – L’exercice de l’activité à titre habituel et constant
Le caractère habituel et constant de l’activité résulte de la répétition pendant plusieurs années des opérations qui la caractérisent.
La circonstance que l’activité en cause puisse être exercée parallèlement à une autre profession procurant à l’intéressé son moyen principal de subsistance n’exclut pas, par principe, la reconnaissance de son caractère professionnel.
Le caractère professionnel a ainsi été reconnu à l’activité :
– D’un artiste-peintre-sculpteur qui s’était consacré de manière constante pendant plus de cinq ans à la pratique de son art et qui avait régulièrement participé à des expositions publiques et à des salons de peinture et de sculpture pouvant lui permettre d’acquérir la notoriété nécessaire à la vente de ses œuvres, et ceci en dépit de l’absence de recettes pendant deux années consécutives[19] ;
– D’un pilote automobile qui, nonobstant l’exercice à titre principal d’une profession salariée, avait obtenu pendant plusieurs années une notoriété concrétisée par plusieurs titres de champion de France de sa catégorie et dont l’activité libérale de pilote lui avait procuré des recettes d’un montant appréciable[20].
S’agissant des éleveurs sans sol et des propriétaires non éleveurs non entraîneurs ou membres d’une association de carrière de cheval de course, le caractère habituel et constant de l’activité résulte principalement de l’exercice permanent d’un pouvoir de décision et de toutes diligences traduisant une implication personnelle dans cette activité.
Tel est le cas lorsque l’intéressé intervient personnellement et habituellement dans les opérations principales de l’activité exercée (décisions des opérations d’achat ou de vente de chevaux, intervention directe dans la gestion de la carrière du cheval...)[21].
§.2.12 – L’exercice de l’activité dans un but lucratif
La persistance d’un niveau très bas de recettes ou une disproportion marquée entre recettes et dépenses est un indice du caractère non professionnel de l’activité.
Pourtant, la circonstance que l’intéressé ne tire pas de l’activité l’essentiel de ses ressources ne suffit pas pour qualifier celle-ci de non professionnelle. Il convient d’apprécier, au vu des circonstances de fait, si l’activité est exercée dans un but lucratif.
Le caractère lucratif de l’activité peut résulter de la perception effective de revenus d’un montant appréciable mais également de la mise en œuvre de moyens ou de méthodes analogues à ceux d’un professionnel et caractérisant la recherche effective d’une clientèle. La recherche d’un gain doit être un objectif poursuivi de manière évidente[22].
Dans le cas des artistes, la recherche du gain ou celle d’une clientèle doit être considérée comme établie lorsque l’intéressé utilise tous les moyens de promotion auxquels un artiste désireux de vendre ses œuvres recourt habituellement (expositions, concours, galeries d’art, presse...).
Ainsi, le fait pour un artiste d’avoir participé pendant plusieurs années à des expositions en France et à l’étranger témoigne de l’existence d’une production artistique et de la recherche d’acheteurs, même si celle-ci ne lui a pas procuré l’essentiel de ses ressources[23].
Pour les éleveurs sans sol et les propriétaires non éleveurs non entraîneurs ou membres d’une association de carrière de cheval de course, le caractère lucratif de l’activité doit être recherché au travers de l’examen des conditions d’exercice de l’activité et de la volonté du propriétaire de réduire l’aléa des courses par ses interventions. Il en est ainsi, notamment, lorsque le propriétaire dispose d’installations matérielles et de moyens en personnel lui permettant d’assurer lui-même la préparation de ses chevaux[24].
§.2.13 – Ces conditions ne sont pas réunies
Lorsque les deux conditions ne sont pas remplies, l’activité ne peut être qualifiée de professionnelle. Elle entre alors dans la catégorie des occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de revenus.
Ainsi, un professeur d’université qui effectue des travaux de recherche ne poursuit pas, à ce titre, une activité professionnelle dès lors que lesdits travaux ne lui ont procuré aucun revenu, n’ont donné lieu à aucune application industrielle et que l’intéressé n’est pas en mesure de justifier avoir pris contact avec une clientèle ou recherché des débouchés pour ses travaux[25].
Il en est de même lorsque l’activité déployée par un contribuable consiste à gérer son patrimoine personnel ; on peut citer, à titre d’exemple :
– Les personnes qui réalisent des opérations de Bourse à titre habituel[26] ;
– Les propriétaires de chevaux de course qui ne sont ni éleveurs ni entraîneurs[27]. Si, n’étant ni éleveurs, ni entraîneurs, ils se bornent à confier leurs chevaux à un entraîneur sans exercer de diligences susceptibles d’influencer la préparation ou la carrière de leurs chevaux, les propriétaires ne se livrent pas à une activité lucrative. Les gains sont exonérés d’impôt sur le revenu et les pertes ne peuvent faire l’objet d’aucune imputation.
Seuls sont imposables, dans ce cas, les profits ou les plus-values réalisés lors de la vente des chevaux[28] ;
– Les personnes qui donnent un immeuble en sous-location nue[29] ;
– Les héritiers ou légataires qui perçoivent les droits d’un auteur ou d’un inventeur.
§.2.14 – Les conséquences de la distinction
Les contribuables qui exercent une activité non commerciale à titre non professionnel ne peuvent pas :
– Imputer leur déficit sur le revenu global. Celui-ci s’impute uniquement sur les bénéfices tirés d’activités semblables au cours des six années suivantes ;
– Bénéficier des avantages liés à l’adhésion à une association agréée ;
– Bénéficier de l’exonération des biens professionnels en matière d’ISF ;
– Bénéficier des régimes d’exonération des plus-values professionnelles.
[1] CE 15 juillet 1964, n° 58518 ; doc. adm. 4 F 114-74
[2] CE 9 mai 1973, n° 82187 ; doc. adm. 4 F 114-75
[3] Cass. soc. 29 octobre 2002, n° 3052 FD
[4] CE 4 juin 1958, n° 38840 ; doc. adm. 5 F 1111-38
[5] Art. 80, 2ème al. du CGI
[6] Doc. adm. 5 F 1114-10
[7] CE 21 février 1973, nos 77755 et 78045
[8] Doc. adm. 5 G 116-105
[9] Art. 34, 3ème al. du CGI
[10] Art. 21
[11] Doc. adm. 5 F 1114-14
[12] Art. 81 A-II du CGI ; BO 5 B-13-05 et BO 5 B-9-06
[13] BO 5 B-3-07
[14] Doc. adm. 5 G 112
[15] CE 15 décembre 1941, n° 70649
[16] CE 24 octobre 1960, n° 47821 ; doc. adm. 5 G 116-51
[17] CE 9 février 1983, n° 10943 ; 15 novembre 1985, n° 27426 ; doc. adm. 5 G 116-99
[18] CE 27 janvier 1988, nos 68652 et 68653
[19] CE 17 avril 1992, n° 82308
[20] CAA Nantes 9 octobre 1991, n° 1390
[21] BO 5 G-6-02, nos 19 à 23 ; BO 5 G-12-02, n° 26 ; doc. adm. 5 G 471
[22] BO 5 G-13-93
[23] CE 20 janvier 1992, n° 76785 ; 17 avril 1992, n° 82308 ; CAA Paris 23 avril 1991, n° 1318
[24] BO 5 G-6-02, 24 à 28
[25] CE 15 février 1989, n° 78992
[26] CE 6 mai 1987, n° 47755
[27] CAA Bordeaux 23 mai 1990, nos 757 et 758
[28] BO 5 G-6-02
[29] CE 21 octobre 1987, n° 51367