Deux ans déjà … pour cet arrêt !
C’est la vie d’entreprise…
Un chauffeur de camion, complétement bourré avec un fort taux d’alcoolémie est victime d’un accident de la route pendant l’exécution d’une mission de livraison.
Pour une faute lourde, c’en est une…
S’en suit un contentieux de sécurité sociale. Les URSSAF considèrent qu’il s’agit d’un accident du travail et taxent l’entreprise « fautive » en augmentant sévèrement son taux de cotisation (assis sur la masse salariale, même si la plupart des chefs d’entreprises et leurs comptables ignorent que le taux des « personnels de bureau » est bien moindre) d’accident propre à la boutique.
Tout le monde se retrouve devant le TSS local, en fait dans ce cas-là devant la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Nancy (le 1er février 2007) qui dit que l'accident survenu à Monsieur X... le 12 septembre 2002 était bien un accident du travail dont la prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle était opposable à son employeur.
Puis devant la Cour d’appel de Nancy qui confirme en septembre 2009.
Et les juges de cassation sont saisis in fine.
« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 septembre 2009), que conducteur au sein de la société Transports Quil (la société), M. X... a été victime d'un accident de la circulation alors que chargé d'une mission de livraison, il circulait au volant d'un camion de la société en présentant une alcoolémie de 1,21 g/ 1000 ; que contestant la prise en charge au titre de la législation professionnelle, par la caisse primaire d'assurance maladie de Nancy, de cet accident qu'elle avait déclaré sans réserve, la société a saisi une juridiction de sécurité sociale ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de dire que l'accident survenu à M. X... était un accident du travail dont la prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle lui était opposable alors, selon le moyen que se place nécessairement et volontairement hors de l'autorité de son employeur le chauffeur professionnel qui, alors que sa mission en dehors de l'entreprise rend impossible tout contrôle de son employeur, se rend délibérément coupable du délit intentionnel de conduite sous l'influence de l'alcool et méconnaît sciemment les dispositions expresses du règlement intérieur de l'entreprise de transports et de nature à mettre sa sécurité en danger ;
que dès lors, l'accident survenu à la suite d'un tel agissement volontaire, nécessairement motivé par des raisons d'ordre personnel, ne saurait être qualifié d'accident du travail ;
qu'en l'espèce dès lors qu'elle constatait que M. X... conduisait son camion en état d'ébriété, avec une imprégnation de 1,21 gramme par litre au moment de l'accident, avec une bouteille de porto dans la cabine du camion, il s'en déduisait nécessairement que ce chauffeur routier s'était délibérément placé hors de l'autorité de son employeur de sorte que la cour d'appel ne pouvait retenir le caractère professionnel de cet accident, en raison de la circonstance inopérante que la société ne rapportait pas la preuve que M. X... ait abandonné son poste et se soit arrêté dans un débit de boissons pour consommer de l'alcool, la cour d'appel a violé l'article L. 441-1 du code de la sécurité sociale ;
Mais attendu que la cour retient, par motifs propres et adoptés, que l'accident en cause doit être qualifié accident du travail dès lors qu'il n'est pas discuté qu'il a eu lieu dans le temps normal du travail, la conduite en état d'ébriété ne pouvant, à elle seule, autoriser à en induire la disparition du lien de subordination ;
Que de ces constatations et énonciations, exemptes d'insuffisance ou de contradiction, la cour d'appel a pu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve soumis à son examen, décider que l'employeur ne rapportait pas la preuve d'une interruption du travail, notamment par abandon de poste pour un motif personnel, de nature à renverser la présomption d'imputabilité prévue à l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le moyen unique, pris en sa seconde branche :
Attendu que la société fait également grief à l'arrêt de dire que l'accident survenu à M. X... était un accident du travail dont la prise en charge dans le cadre de la législation professionnelle lui était opposable alors, selon le moyen, qu'en toute hypothèse, l'employeur, qui voit le montant de ses cotisations augmenter proportionnellement à celui des rentes versées par la caisse primaire d'assurance maladie à ses salariés au titre des accidents du travail, doit être en mesure de faire valoir, devant les juridictions du contentieux de la sécurité sociale, l'existence de la faute inexcusable du salarié ayant causé l'accident du travail dont celui-ci a été victime, dès lors que cette faute est de nature à réduire le montant de la rente versée et, par voie de conséquence, celui des cotisations ;
qu'en l'espèce, en retenant, pour déclarer irrecevable la demande de la société tendant à faire réduire la rente versée à M. X..., que seule la caisse pourrait décider de réduire la rente en raison de la faute inexcusable du salarié, la cour d'appel, qui a ainsi privé la société de toute possibilité de défendre ses intérêts, a violé l'article L. 453-1 du code de la sécurité sociale, ensemble, les articles 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1 § 1 du 1er protocole additionnel à cette convention ;
Mais attendu que la cour a déclaré, à bon droit, la société irrecevable à agir sur le fondement de l'article L. 453-1, alinéa 2, du code de la sécurité sociale, sans méconnaître les dispositions conventionnelles alléguées dès lors que demeure ouverte la faculté de contester ultérieurement, devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification des assurances du travail, le taux de cotisation inhérent aux accidents du travail ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Transports Quil aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande présentée par la société des Transports Quil ; la condamne à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de Meurthe et Moselle la somme de 2.500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille onze. »
En bref, soit il faudrait fliquer tous les chauffeurs, voire installer des détecteurs de vapeurs d’alcool dans les cabines de conduite des poids-lourds qui couperaient l’arrivée de carburant, soit tu n’embauches plus que des chauffeurs musulmans et pratiquants pour éviter la konnerie du mek qui se pinte au boulot pour cause de séparation douloureuse (ou autre motif) d’avec sa donzelle !
Je te vous jure, les histoires de bonne-femme, passe encore quand ce sont les siennes à assumer (elles nous ont choisis pour ça et on se fait souvent avoir par acceptation légère), mais alors celles des autres, c’est vraiment galère !
Notez tout de même, que dans leur « grande sagesse », les juges de cassation ouvrent une voie de recours partielle à laquelle toute la bande d’avocats qui ont plaidé cette affaire n’a pas pensé : « La faculté de contester ultérieurement, devant la Cour nationale de l'incapacité et de la tarification des assurances du travail, le taux de cotisation inhérent aux accidents du travail ».
Comme quoi, même quand on facture 900 euros les 3 questions (cf. la blague de Jean-Marc), on dérange parfois pour rien l’élite des juristes-civilistes !
D’où la condamnation justifiée de l’entreprise « aux dépens » et au paiement de 2.500 € à la CPAM de la Meurthe et de la Moselle qui supporte de son côté autant de frais alors qu'elle ne fait qu'appliquer à bon droit la loi.