Va-t-il mourir de surmenage ?
Nous sommes confrontés au défi d'empêcher l’extension de ce que l'on peut appeler à juste titre une dépendance croissante, permanente et totale d'une institution qui n'est plus capable de s'orienter ni de se reconstituer durablement, d'une institution qui se dirige tout droit vers l’abîme.
L'État-providence a été créé pour compenser les déficits réels ou supposés de la société industrielle.
Hélas, il ne se fonde expressément pas sur l'être humain responsable.
Car l’État-providence a trois racines, dont l’une franchement mauvaise et les deux autres partant d'une « bonne intention ».
La racine mauvaise de l'État-providence provient du désir de l'État d'imposer son autorité sur des sujets obéissants.
Cette volonté de « soumettre » réunit les intérêts du pouvoir politique et des employeurs industriels : big government et big business, dans leur intérêt bien compris.
Ceux-ci ont besoin d'une clientèle dépendante de l'État, de travailleurs dépendants et de consommateurs de masse irresponsables, qui dépendent à tel point des prestations sociales de l'État que l'on peut effectivement parler d'une accoutumance aggravée, à l'image de toxicomanes.
Or, la toxicomanie se caractérise par un besoin toujours croissant, qui détruit la santé ainsi que par le sevrage le jour où la drogue est supprimée.
Les autres racines de l'État-providence, celles qui partent d'une « bonne intention », sont peut-être les plus dangereuses.
L'une émerge d'un besoin d'être protégé ressenti par une majorité de personnes, que l'État prétend vouloir ramener progressivement vers une plus grande liberté par des mesures positives d’aide et de soutien de toutes sortes.
Cette variété « émancipatrice » de l'État-providence est incroyablement attractive parce qu'elle se présente sous l'habit de la liberté. En théorie, elle devrait mener à une diminution progressive des besoins et à une réduction constante de l'appareil d'aide et de soutien, en théorie seulement…
Car les défenseurs de cette « mise sous tutelle douce » vers plus de liberté en dissimulent en fait les échecs réels en prétendant tout simplement que l'on n'a pas encore assez fait de bien pour que les bénéficiaires de l'aide puissent définitivement assumer leur rôle de citoyens libres et responsables.
L'histoire récente du socialisme vécu nous fournit un exemple éclatant de cette tactique, qui consiste à promettre constamment des lendemains qui chantent, alors que la situation empire.
La racine partant d'une « bonne intention » repose sur la théorie de la défaillance du marché du travail. Elle se présente comme « sociale » ou comme étant « dans l'intérêt des travailleurs ».
En y regardant de plus près, on constate qu'elle sert avant tout les intérêts des employeurs industriels : l'État social est une sorte de cartel créé par l'industrie et approuvé par la politique qui, sous le prétexte de la protection des travailleurs, neutralise précisément cette partie-là de la concurrence sur le marché du travail qui, en cas de manque de main-d’œuvre, aurait des effets positifs pour les travailleurs en matière de salaires ou d’autres prestations.
Et les employeurs profitent dans une certaine mesure de cette transformation de partenaires exigeants, indépendants, individuels, en syndicalistes soumis et collectivement disciplinés ou social-démocratisés, en consommateurs dépendants, en clients et sujets de l'État-providence.
Petite roue dentée à l'usine, petite roue dentée dans la grande machine d'approvisionnement social : tout s'enchaîne collectivement sous le regard bienveillant de la politique !
Dans aucun autre domaine de l'activité humaine le risque n’est aussi grand de vouloir le bien, mais de faire finalement le mal à moyen et à long termes, qu'en politique.
Car la politique est le principal champ d'action de la « bien-pensance » et, malheureusement, les bienpensants, comme on le sait, ont toujours beaucoup d'adeptes et bénéficient d'un écho disproportionné dans les médias qui fait l’opinion général.
Avant de critiquer une institution aussi populaire que l’État social, il vaut mieux réfléchir sérieusement.
L'État-providence a des avantages incontestables, qui le rendent, précisément, si populaire.
Il se base sur l'idée de la redistribution, qui consiste à, pour caricaturer, « prendre aux riches ce qu'ils ont de trop via les impôts pour en faire profiter ceux qui n'ont pas assez » : une idée éminemment populaire que tout le monde comprend facilement, trop facilement peut-être.
Car la définition du « trop » et du « pas assez » est en effet controversée.
Dans une démocratie, c'est la majorité qui en décide. C'est ce mécanisme qui met en évidence l'erreur systémique fatale de la redistribution et de l'État-providence qui en vit.
Le groupe qui croit « ne pas avoir assez », donc les bénéficiaires potentiels, peut emporter une décision majoritaire sur ceux qui sont contraints de donner, et cela jusqu'au point où les fonds redistribués commencent à manquer ailleurs.
Le plus souvent, ces prélèvements compromettent des investissements dont a ou dont aurait besoin l'économie pour prospérer.
Cette situation indésirable n'est pas le résultat de la « mauvaise volonté » de quelques intellectuels de gauche incorrigibles.
En fait, c'est le mécanisme de la démocratie, le principe majoritaire, qui nous pousse dans ce piège.
De nombreux libéraux se sentent coupables en affichant leurs opinions et ne cessent de se justifier en affirmant qu'ils sont certes libéraux, mais néanmoins sociaux.
C'est à se demander ce qui s'est passé dans l'histoire des idées et dans l'histoire de la manipulation des notions pour que plus personne ou presque n'ait le courage de dire que le socialisme – dans ses variantes étatistes – a des effets profondément antisociaux !
1 – Il entrave, voire bloque la croissance de la productivité et compromet ainsi l'unique base d'une lutte efficace et durable contre la pauvreté.
2 – Le système de redistribution n’inclut pas seulement ceux à qui l’on prend et ceux à qui l’on donne. Il y a entre eux un gigantesque appareil de redistribution – la politique, l'administration.
Et cet appareil de redistribution est tout sauf gratuit.
Bien au contraire, il absorbe des montants énormes pour fonctionner, minant du même coup l’efficacité de ce processus.
On prétend redistribuer de manière toujours plus précise et plus fine, mais en réalité on se contente d'augmenter les effectifs de l'appareil de redistribution. Et finalement les prélèvements suffisent tout juste à faire tourner la machine.
Lorsque ce développement a commencé, il ne sert à rien de procéder par petites corrections. C'est le système qu'il faut changer.
3 – Il serait par ailleurs trop simple de réduire le « problème État-providence » à une question de mesure.
Si l'État est aujourd'hui surmené, c'est parce qu'on promet plus qu'on ne peut tenir et que la dynamique interne des structures de contrainte pousse à cette surenchère.
Lorsque les difficultés augmentent sans cesse, il ne suffit plus d’improviser en dissimulant les faits et les relations entre eux.
Ceux qui croient que l'État-providence ne subit qu’une difficulté passagère en raison d'une croissance économique trop faible se trompent lourdement. Reposant sur la redistribution, le « système État-providence » dans son ensemble est inapproprié.
Quand on définit la redistribution par le fait de prendre aux riches pour donner aux pauvres, on rencontre généralement une large adhésion.
Par contre, si on la définit en disant qu'on prend aux travailleurs pour donner aux fainéants – la preuve est faite que c'est souvent le cas – l'adhésion est déjà nettement moins unanime.
Cela dit, l'affirmation selon laquelle tous les riches sont travailleurs et tous les pauvres sont paresseux est évidemment infondée et même blessante. Mais il est incontestable que dans une société ouverte, basée sur l'effort de chacun, il existe un lien entre la richesse et la volonté de travailler, un lien qu’il faut relever.
4 – Dès lors, l'État-providence est lui-même la maladie dont il prétend être le remède.
C'est son intervention qui génère l'isolement en déléguant l'entraide humaine aux administrations et l’empathie aux fonctionnaires ; c'est lui qui, finalement, provoque la détérioration d'un réseau subtil de relations familiales, caritatives, amicales, ou même commerciales.
À l'avenir, des services payants remplaceront de plus en plus l'action réputée gratuite – mais en réalité extrêmement onéreuse et de moins en moins efficace – de l'État-providence.
Et qu'en est-il de la « troisième voie », du travail bénévole ?
Existe-t-il une voie qui nous ramènerait à la charité et aux activités de bienfaisance privées et ecclésiastiques ?
Les problèmes actuels ne peuvent se régler par un retour nostalgique à un passé révolu depuis longtemps. Les travailleurs bénévoles, notamment dans le domaine social, ont toutes les peines du monde à trouver une relève efficace.
Il semble aujourd'hui déjà normal que nombre de prestations sociales ne soient plus gratuites.
De nombreuses tâches sociales ne sont plus exclues du circuit économique.
Alors qu’il existe encore un important potentiel d'emplois humainement et économiquement intéressants dans l'amélioration constante de l’offre de prestations sociales.
Force est alors de constater que l'État est non seulement incapable de résoudre des problèmes économiques, mais il n'a pas non plus la capacité de résoudre durablement des problèmes sociaux.
L'État ne peut garantir ni des valeurs éthiques, ni des modes de comportement, pas plus qu'il ne peut communiquer des principes religieux ou moraux et donner un sens à la vie des êtres humains.
Jamais on ne parviendra à résoudre des problèmes sociaux sans l’implication de la société civile et sans prestations de l'économie privée pour soutenir des personnes en détresse.
Il s'agit donc de trouver une stratégie qui nous sorte de la situation inquiétante dans laquelle nous nous trouvons actuellement.
Et devant ses constats, je suis persuadé qu'un retrait graduel de l’État-providence vaut beaucoup mieux que l'attente d'un effondrement complet, qui serait beaucoup plus douloureux – même si durant cette attente on essaie de rassembler des idées sur la manière dont on procédera quand l'effondrement sera devenu réalité.
VCRM
I² : Dieu nous garde d’un effondrement brutal !
Ce serait ouvrir la boîte de Pandore, la voie vers l’aventure et l’anarchie.
Je pense comme toi, l’Ami : Il faut préparer « autre chose ».
Puis comprendre comment changer « en douceur » pour y parvenir.
Normalement, c’était la tâche confiée à « Bling-bling » en 2007 : il nous l’avait promis durant sa longue campagne et on l’avait cru. Enfin… une majorité d’entre-nous.
Force est de constater que « ses réformes » partent dans tous les sens et dans l’improvisation de l’événementiel, au coup par coup.
Il paraît que si 63 % des « gaulois » jugent maintenant défavorablement sa politique, et que beaucoup prédisent sa réélection prochaine.
Un peu schizophrène que tout ça…