Histoire Corse (de valeur inégale) (V).
On dit que les Corses vivent aux crochets des continentaux. C’est vrai à partir d’un certain âge. Pourtant, la plupart des Corses contribuent à l’enrichissement national avec ferveur.
Par exemple, Dumé est pensionné d’avoir dû amortir la chute d’une châtaigne avec son crâne. Mais il a toujours su ne pas en abuser : il mange son fromage, les fruits et légumes de son verger, tue ses propres bêtes qui s’élèvent toutes seules dans la montagne, s’abreuve de l’eau de la fontaine, fume son tabac distille son eau de vie, récolte son miel sans l’aide de personne et sans subvention et répare son toit quand il a le temps.
Il se déplace en âne sans gaz à effet de serre, fabrique son électricité avec l’éolienne. La maigre pension sert à payer les impôts locaux et l’abonnement au téléphone.
Paul, lui est retraité des îles : il a fait toute sa carrière comme facteur en Guadeloupe. L’avantage, c’est qu’à part les tempêtes tropicales, il y fait beau, la mer n’est jamais très loin et que pour passer des vacances au pays, il convient de rajouter les congés d’expatriation, plus les « délais de route ». Trois mois par an d’affilée, toute une vie de dur labeur…
La génération suivante, c’est un peu plus compliqué. C’est ainsi qu’il résume la situation à Dumé, en parlant de ses enfants.
– Il y en a qui a trouvé une situation de tout repos. Il s’est débrouillé pour agresser un voyou qui regardait sa sœur devant lui et sans lui demander la permission, en plus ! Non mais tu te rends compte ? Depuis, il vit à l’ombre, nourri, blanchi et chauffé tout au long de l’année.
– Et ta fille ?
– Elle a épousé un autre voyou qui fait banquier. Un grand voyou… Et payé cher pour faire le voyou. Et les tiens, ils font quoi, sur le continent, tes enfants, Dumé ?
– Je ne sais pas bien. Dom Côme est aux douanes. Une bonne situation. Stable et pas épuisante. Jean-Charles, il est au Domaine. Un endroit où il y a la sécurité de l’emploi. Et en plus, il fait de bonnes affaires, de temps en temps, sans se compliquer la vie.
– Et ta fille, Lucia (prononcez « Lutchia ») ?
– Lucia ? Elle est à la médecine du travail !
– Oh ! Pas possible ?
– Quoi donc, Ô Paul ?
– Depuis quand ils savent que ça se soigne le travail, sur le continent ?