Première analyse.
Depuis le 1er janvier 2010, la taxe professionnelle (TP) est définitivement supprimée pour toutes les entreprises.
Cette réforme, une promesse électorale enfin tenue, qui bénéficie à tous ceux qui choisissent d’investir en « Gauloisie exceptionnelle », compte parmi les plus importantes réformes fiscales des 30 dernières années, elle-même issue de la suppression sous le « Chi » de chez « Giskard-A-la-Barre », de la « Patente », issue elle-même de la restauration du régime de… l’ancien-régime, d’avant 1789.
Nous aborderons cette merveille de la « technostructure » des roitelets d’antan dans notre cours d’histoire de la fiscalité de nos dimanches studieux…
1976, c’était déjà une usine à gaz, avec ses gagnants, ses perdants et les dizaines de correctifs accumulés au fil des ans : pas une année sans une mesure nouvelle impliquant l’ex-TP !
Mais qui avait le mérite, pour nous juriste, de donner une définition, au moins fiscale, distinguant l’industriel de l’artisan.
Elle a disparue, mais on la gardera au chaud dans nos mémoires (pour un usage ultérieur éventuel…)
La dernière réforme marque une étape nouvelle et déterminante dans la politique de soutien à l’investissement et à l’emploi constamment poursuivie par le Gouvernement depuis 2007.
Qu’était la taxe professionnelle, avant la réforme ?
Jusqu’en 2009, l’assiette de la taxe professionnelle comprenait :
- les terrains, les bâtiments et les aménagements faisant corps avec eux,
- les équipements mobiliers, tels que les machines, les outils, le matériel de transport ainsi que le matériel et le mobilier de bureau.
Avant et dans le temps, on reprenait aussi les salaires versés (et c’est comme ça qu’on s’est tout d’un coup aperçu qu’il y avait des rémunérations, y compris les avantages en nature, qui n’étaient pas des salaires, mais autre chose… Passons : ce sont des détails qui ne passionnent que les exégètes juridiques !)
La taxe professionnelle représentait la principale contribution des entreprises aux collectivités territoriales.
Elle servait à financer le budget des communes, des départements et des régions.
Une taxe additionnelle était également prélevée pour financer les chambres de commerce et d’industrie et les chambres des métiers et de l’artisanat.
Finalement, au fil du temps et des aménagements successifs de ladite TP, l’État était devenu le principal contribuable de la taxe professionnelle en raison des allégements et des exonérations qu’il prenait à sa charge, sous la forme de compensations.
Impôt unique en son genre au sein de l’Union européenne, la taxe professionnelle avait la particularité de peser essentiellement sur les investissements productifs qui représentaient 80 % de son assiette, contre 17 % pour les valeurs locatives foncières et 3 % pour les recettes.
Ainsi, plus une entreprise investissait en « Gauloisie impécunieuse », plus elle était taxée, alors même que ses investissements n’étaient pas rentables.
Sa suppression permettra donc de relancer l’investissement, de renouer avec des créations d’emplois plus dynamiques et de restaurer l’attractivité de nos territoires.
Concrètement, le coût des investissements sera réduit d’environ 20 %.
Mais ça dépendait du taux local. Wissous étant réputé pour ses taux faibles (peu d’habitants, peu de besoin, pour avoir l’essentiel de ses ressources provenant de l’Aéroport d’Orly qui posaient ses pistes sur ses champs, le reste étant complété par des « zones industrielles »… Mais il y en eu plein d’autres, où une centrale nucléaire venait pousser !)
Ainsi la réforme se traduira par un allégement net de la charge pesant sur l’investissement, mais aussi sur le travail, et aura aussi un effet positif sur l’emploi et sur la rémunération des salariés.
La réforme assurera une affectation de ressources fiscales dynamiques et pérennes aux collectivités territoriales. L’objectif de la suppression de la taxe professionnelle n’est pas de choisir entre l’investissement public des collectivités et l’investissement privé des entreprises, mais de mettre fin à un système qui aboutissait à financer l’un au détriment de l’autre.
La suppression de la taxe professionnelle sur les investissements productifs, est donc effective depuis le 1er janvier 2010. Elle porte sur le flux des nouveaux investissements comme sur le stock des investissements existants.
Les autres composantes de la TP – bases foncières et valeur ajoutée – sont maintenues et intégrées à un nouvel impôt : la contribution économique territoriale (CET).
La CET est composée :
- D’une cotisation foncière des entreprises (CFE) assise sur les valeurs locatives foncières, dont le taux est déterminé par les communes ou EPCI ;
- D’une cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) prélevée selon un barème progressif et qui se substitue à l’actuelle cotisation minimale de taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée.
La CVAE n’est applicable qu’aux entreprises dont le chiffre d’affaires excède 500.000 €.
Son taux, fixé au niveau national, progresse de 0 % en dessous de 500.000 € de chiffre d’affaires annuel à 1,4 % à partir de 10 millions €, et jusqu’à 1,5 % au-delà de 50 millions €.
Le montant dû ne peut toutefois être inférieur à 250 €.
Ce qui rend la mesure d’exonération tarifaire inopérante, notamment pour les TPE.
Passons : c’est de la politique de communication : tout le monde paiera au moins 250 € !
Par ailleurs, pour le calcul de la CFE, les bases foncières des établissements industriels sont réduites de 30 %.
Ce qui n’empêchera pas de « tripatouiller » les assiettes entre affectation des locaux, bureaux ou activités industrieuses, ou stockage, comme on le faisait déjà souvent.
Entre un rack « posé/vissé » et le même rack « posé/riveté », il y a une différence notoire : L’un est « immeuble par destination », donc dans le forfait de l’assiette du foncier, alors que l’autre est un « meuble par nature », donc un matériel meublant qui faisait l’objet d’une taxation spéciale en matière d’ex-TP…
On a donc conseillé à nos clients de remplacer les vis par des rivets avant le 1er janvier.
Certains l’ont fait, d’autres ont cru à la censure du Conseil Constitutionnel qui… n’est pas passé par-dessus.
Corrélativement, la définition fiscale de la valeur ajoutée est rénovée et les obligations déclaratives des entreprises sont simplifiées.
Pour garantir la baisse de la charge fiscale pesant sur les entreprises les plus imposées, le plafond des cotisations de CET en fonction de la valeur ajoutée est abaissé de 3,5 % à 3 %.
Par ailleurs, plusieurs aménagements spécifiques sont prévus en faveur des PME et de certaines entreprises susceptibles d’être pénalisées par l’assiette valeur ajoutée :
– Les petites entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 2 millions € bénéficient d’une réduction de CVAE de 1.000 €/an (non imputable sur la cotisation minimale de 250 €) ;
– Pour limiter la charge fiscale pesant sur les entreprises les plus intensives en main d’œuvre, la valeur ajoutée imposable à la CVAE est plafonnée à 80 % du chiffre d’affaires pour les PME (CA < 7,6 millions €), et à 85 % du chiffre d’affaires pour les entreprises moyennes ou grandes ;
Vous aurez noté que 80 % du CA pour une entreprise de main-d’œuvre, comme les entreprises de nettoyage par exemple, ou informatique, qui ne payent que des salaires et des charges sociales, il ne restera même pas les yeux pour faire les salaires de février, mais nous verrons ça à partir de 2013 !
– Car et enfin, un écrêtement est mis en place pour garantir qu’aucune entreprise ne puisse voir sa cotisation augmenter de plus de 10 % et de 500 € en 2010 ; cet écrêtement, dégressif, produira ses effets jusqu’en 2013.
Cette réforme voulue par la « très grande sagesse du législateur » bénéficiera à l’ensemble des secteurs d’activité (industrie, services, transports, commerce, BTP, professions libérales…) et des entreprises qui produisent en « Gauloisie performante », quelle que soit leur taille (grandes entreprises ou PME).
La suppression de la TP sur les investissements productifs sera également un moyen de lutter contre les délocalisations.
Paraît-il.
Il faut dire que la communication gouvernementale du moment insiste lourdement sur toutes ces créations de sites nouveaux, qu’on compte par centaines, même hors « pôle d’excellence » et « zone » franches » (déjà exonérés au moins partiellement de la dite taxe défuntée)
En 2010, la suppression de la taxe professionnelle allège la charge fiscale des entreprises de 12,3 milliards €, en raison d’effets de décalage dans le temps liés à la transition vers le nouveau système : les entreprises bénéficieront notamment en 2010 du remboursement du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée afférent à la taxe professionnelle de l’année 2009.
En régime de croisière, l’allègement représentera 6,3 milliards €/an (4,8 milliards € nets d’IS).
- 12,3 Mds€ : C’est l’allégement de charges fiscales dont bénéficieront les entreprises en 2010.
- 6,3 Mds€/an : C’est l’allégement dont bénéficieront les entreprises en 2011 et les années suivantes.
- 1,8 Md€ : C’est le montant de l’allégement de charges sur les salaires.
- 20 % : c’était la part de la TP dans le coût d’un investissement sur 10 ans.
Qui peut et comment bénéficier de l’écrêtement ?
Ce dégrèvement s’applique de droit lorsque la somme des impositions dues au titre de 2010 (c’est-à-dire la CET, l’IFER, la taxe pour frais de Chambres de Commerce et de l’Industrie et la taxe pour frais de
Chambres de Métiers et de l’Artisanat) est supérieure de 10 % et d’au moins
500 € c’est la somme des impositions qui auraient été dues au titre de 2010 en l’absence de réforme (c’est-à-dire la TP, la TCCI et la TCMA).
La différence entre les deux montants fera l’objet d’un dégrèvement intégral en 2010, à hauteur de 75 % en 2011, de 50 % en 2012 et 25 % en 2013.
Après, plus rien : Au successeur de « Bling-bling » de « vivre et gérer » le problème…
Imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux ?
Afin de limiter le coût de la réforme pour les finances publiques, une imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) est instaurée. Elle ne touche en pratique qu’un nombre très limité de grandes entreprises des secteurs des télécommunications, de l’énergie et du transport ferroviaire, qui, en l’absence d’un tel impôt, auraient bénéficié très fortement de la suppression de la taxe professionnelle alors même que leur activité n’est pas la plus vulnérable au risque de délocalisation
Au total quoi ?
Une réforme coûteuse mais nécessaire : La TP est une sorte « d’accident de l’Histoire », qui a quand même duré un tiers de siècle…
Coûteuse à l’État pour commencer, coûteuses aux entreprises demain et/ou aux collectivités territoriales.
Les maires ont râlé.
Les chefs d’entreprise nous demandent des simulations. On parvient parfois à des montants tellement irréalistes qu’on n’ose même pas les leur communiquer.
C’est dire…
Il faut dire aussi que d’ici 2013, il va se passer tellement de choses, qu’on ne voit pas bien comment ça peut fonctionner.
On devra sans doute se reposer la question dans les grandes profondeurs : supprimer la nouvelle CET et sa CVAE et repenser complètement les recettes fiscales locales.
Il est inconcevable de changer de cheval en pleine course.
Il y aura de nouveau des communes « riches » et d’autres à « fuir », laissant au passage des friches « foncières-bâties » en proie aux mites, cancrelats, rongeurs et autres rouilles du « temps qui passe ».
Un vrai désastre à venir.
Pourquoi n’a-t-on tout simplement pas inventé une recette à taux unique multiplié par le nombre d’usagers, qui usent et abusent des équipements collectifs ?
Trop simple pour nos élites énarqueuses ?