Extraits…
Les deux hommes qu’une génération sépare, se retrouvent dans les premiers jours de décembre 2012 à déjeuner. Après que Paul ait commencé à enquêter sur les « queues » d’argent disparu que l’agence « France Patrimoine » ne parvient à pas à liquider, faute d’identifier quelques 9.288 noms « inconnus » ou presque (pour être souvent celui de « jeune-fille » d’épouse d’hommes politiques comme il sera confirmé plus tard), que sont les « minoritaires » dans des SCI à liquider par la sublime Gabrielle en charge du dossier à Bercy… depuis janvier 2010 !
Mais il affronte aussi des difficultés qui semblent insurmontables avec un inspecteur central des impôts qui est assez bête et coriace pour vouloir fourrez son nez dans les sommes appartenant à l’État et ayant transité sous l’autorité de Paul fin 2009, mouvements qui relèvent du « secret d’État », d’ailleurs « légalisés » discrètement par la loi de finances rectificative de mars 2010.
Comme chacun a pu le vérifier à l’époque…
Se payer la tête du ministre de tutelle de son inspecteur, alors ?
« Parce que ça, je peux le faire ! »
Comment ça ?
« C’est un secret de polichinelle dans les hautes sphères étatiques. Tout le monde sait depuis 2001, que le bonhomme chargé de la lutte contre la fraude fiscale, il a des comptes non-déclarés en Suisse et ailleurs. »
Paul en tombe presque en tétanie. Pas possible ?
« 2001, vous êtes sûr ? »
Il n’a pas repéré son nom dans le listing de Gabrielle et ne connaît pas le nom de jeune-fille de son épouse.
Pour l’amiral, il faut faire l’effort de se souvenir de cet épisode peu glorieux de l’époque.
« Ça commence par un document interne de la DGSE de 1996 qui fait état de l'existence du compte bancaire de Rackchi au Japon, crédité de 300 millions de francs. Cette note de la DGSE est un message secret classé « urgent réservé » et envoyé par le chef de poste de la DGSE à Tokyo au siège des services à Paris le 11 novembre 1996. Elle fut rendue publique dans le livre « Machinations » des journalistes Laurent Valdiguié et Karl Laske. Où ils résument les informations obtenues d'un informateur baptisé du sobriquet « Jambage ».
La banque Tokyo Sowa voulait faire des affaires en France et la DGSE en examinait alors la probité. »
En 2001, à la veille de l’élection présidentielle française, Gilbert Flam, magistrat détaché à la DGSE (ancien collaborateur du ministre socialiste Georges Sarre et époux d'une élue socialiste de la mairie de Paris), a ouvert une enquête au Japon pour vérifier des soupçons d'existence de comptes bancaires secrets du président à la Tōkyō Sowa Ginkō.
« Cette enquête a été considérée par Rackchi comme une manipulation politique qui aurait été commanditée dans le but de lui nuire à la veille de l’élection présidentielle.
Après sa réélection, en 2002, le directeur de la DGSE Jean-Claude Cousseran et Gilbert Flam ont d’ailleurs été limogés. »
Et puis il y a eu les interventions du Rondot dans les affaires Cleastream qui n’ont pas éclairci la situation.
« La Présidence de la République a alors déclaré, au mois de mai 2006, que le Président n'avait jamais eu de compte à la Tokyo Sowa Bank. Elle a évoqué une « campagne de calomnies » remontant à 2001 « dont il a été établi qu'elles étaient sans aucun fondement ». Le 14 novembre 2006, la Présidence oppose à nouveau « un démenti catégorique ».
Et jusqu’en 2008, après des morts suspectes dans l’entourage de Flosse en Polynésie « où le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Papeete a procédé à une perquisition dans les locaux de la DGSE à Paris et a voulu vérifier l'existence du supposé compte japonais. Il s'est fait remettre par la DGSE dix-sept documents classifiés et placés sous scellés, liés aux activités de la Tokyo Sowa Bank. Le 5 juin 2008, le juge Redonnet s'est rendu au cabinet de Jean Veil, avocat de Rackchi pour placer sous scellés une enquête réalisée auprès de l'ex-Tokyo Sowa Bank et commandée par l'avocat. Cette enquête concluait à l'inexistence du compte japonais. Christian Charrière-Bournazel, bâtonnier de Paris, s'est opposé à la remise de ce document. En effet, un avocat ne peut être délié du secret professionnel, même par son client. »
Eh bien, pendant que les juges faisaient leur boulot pour n’aboutir à rien, les services faisaient le leur.
« Et du ministre des finances, c’était Krasoski à l’époque, jusqu’à différents directeurs, tout le monde était au courant des résultats des enquêtes discrètes du contre-espionnage, à savoir que des dizaines d’élus, voire des centaines, de la majorité comme de l’opposition, avaient des comptes à l’étranger, hormis le Président, justement. »
Et pour la plupart, pas mal fournis.
« En fait, le compte de l’actuel ministre aurait été ouvert en 1991, alors qu'il est conseiller technique au cabinet du ministre des Affaires sociales, au sein duquel il était chargé des relations avec la direction de la pharmacie et du médicament (DPHM) ainsi que des équipements lourds et aurait « pesé » sur quelques décisions ministérielles pour s’enrichir à titre personnel.
Mais selon le journal « Le Monde », le compte suisse (ou l'un des comptes) du ministre chez UBS est ouvert plus tard, en 1992 par l'avocat Philippe Peninque, ancien membre du GUD, dont le nom apparaît déjà dans l’affaire des comptes de campagne d'Édouard « Bel-ami de trente ans », ami de la famille du ministre et actuellement un des proches du Front Bleu-Blanc-Rouge. Ce n’est qu’en 1993, que ce compte aurait été récupéré en nom propre par ce ministre-là et en 1998 que sa gestion aurait été confiée à la société financière Reyl et Compagnie, basée à Genève. »
Les avoirs sont déplacés par la société Reyl et compagnie après mars 2009, à la suite de la fragilisation du secret bancaire due à la convention passée entre la Suisse et la France prévoyant un échange d'informations bancaires à partir du 1er janvier 2010.
Ils sont transférés vers un compte off-shore à Singapour, probablement via la plate-forme de booking Swiss-Asia Financial Services Limited, puis placés dans la filiale singapourienne de la banque helvétique Julius Bär, sous gestion de Reyl Singapore PTE LTD, une filiale de Reyl et compagnie, précise l’amiral.
Et s’adressant à Paul : « Notez, mon petit-vieux, qu’il faut au minimum dix millions d'euros pour ouvrir ce type de compte numéroté. Et on évoque, de plusieurs sources concordantes, un compte à Singapour qui serait en fait approvisionné à hauteur de seize millions d'euros. »
D’ailleurs, plus tard, le 7 avril 2013, la Radio télévision suisse (RTS) annoncera que le ministre avait cherché à placer 15 millions d'euros en Suisse. La chaîne indiquera, en se basant sur des informations bancaires, qu’il aurait tenté de placer cet argent dans un établissement de gestion financière à Genève, mais l'établissement aurait refusé par crainte de complications ultérieures du fait de ses fonctions politiques.
Pour parvenir à ses fins, l'ex-ministre du Budget aurait alors produit à la banque Julius Baer un certificat fiscal falsifié « prétendant que l'argent avait été déclaré auprès du fisc français ».
« Vous pensez bien qu’on en a été un peu stupéfait quand l’actuel ministre a été nommé à son poste. Mais après tout, en « utilisateur » avisé du procédé frauduleux, ce n’était peut-être pas un mauvais choix ! Seulement voilà, il aurait déclaré ses avoirs étrangers à l’occasion de la publication des patrimoines des ministres, pas de problème. On en aurait tout au plus tous rigolé.
Mais là, ils n’y figurent pas : il devient donc une cible idéale s’il fait vous chier plus longtemps avec son IC sur votre dos ! On va lui apprendre les bonnes manières. »
Oh là ! Il n’est pas question pour Paul de faire chanter un ministre en exercice, fut-il un menteur, un fraudeur et un tricheur.
Et même s’il est socialiste…
« C’est lui qui se met tout seul dans une position intenable ! »
Il n’empêche : Paul n’intervient pas sur les politiques. « En revanche, vous me confirmez une piste sans le savoir… »
Laquelle ?
Bé, s’il s’agit justement des comptes dormants de tout ce petit-monde, ce n’est pas logique.
S’il s’agit de comptes alimentés en permanence, c’est de la fraude.
« Laquelle des deux hypothèses choisissez-vous, Amiral ? »
Dormant quand ils sont exposés aux sunlights de la presse.
« Bé je n’en suis pas si sûr… Ce serait stupide de leur part de ne pas profiter de leurs rapines passées. »
N’exagérons rien : ils ne sont pas à plaindre non plus.
« Il y a plus malheureux, j’en conviens. Il n’empêche, procéder à des mesures de rétorsions sur un ministre pour une malheureuse affaire de contrôle fiscal, il ne faut pas exagérer ! »
Pas si justement, elle touche au « secret d’État ».
« Un, ce contrôle est télécommandé par la franc-maçonnerie états-unienne, je vous l’ai déjà dit. Pas par hasard, mais on n’en sait pas plus pour le moment… À propos, vous avez revu votre frère ? »
Il y va après le pousse-café.
« Deux, la continuité de l’État et de ses secrets est engagée. Par mégarde, je veux bien l’admettre, et par un ministre qui ne sait pas encore où ça l’emmènera. Mais il est manipulé, pour le coup, et par ses propres frangins… Ils vont donc être forcés de le lâcher en rase-campagne quand ils vont commencer à comprendre.
Trois, vous voulez les laisser faire, vraiment ? »
C’est vrai que non en convient Paul. Il serait fautif.
« Laissez-moi faire, j’ai plus d’un tour dans mon sac. Et un de mes camarades de l’école de guerre, qui a fini général, est justement le directeur de cabinet de l’opposant local du ministre ! Un parfait relais qui se fera un plaisir de démonter la tête dudit ministre. »
Comment va-t-il faire ?
« On a un enregistrement de plusieurs conversations où ces comptes sont évoqués. Ça devrait suffire ! »
Tu parles !
« Parce que vous croyez qu’entre frangins-maçons, ils vont révéler ça au public ? Ils sont tous macqués en loge dans la presse et tenus par leur serment de solidarité entre eux ! Je ne vois pas comment vous allez vous y prendre pour que ça ne fasse pas pschitt ! »
La presse est « aux ordres », c’est vrai, mais ce n’est pas la seule à l’être.
« Et comme les ordres pour le coup viennent des États-Unis, nous avons aussi les moyens de faire prendre des décisions aux dirigeants de ce pays si leurs intérêts stratégiques sont en jeu, dans nos services. À eux ensuite de faire le nécessaire auprès de leurs loges locales. »
Ces ex-services…
Comment ça ?
« Mon petit-vieux, si Bercy ne sait plus d’où vient le pognon qu’il a reçu en 2009 et 2010, les américains ne verront sûrement pas d’un œil bienveillant qu’on leur rappelle à quoi il a partiellement servi. »
À rembourser les fonds secrets de la CIA, ceux qui n’existent pas !
« J’ai la mémoire mieux affûtée que la vôtre me semble-t-il. Laissez-moi faire, vous verrez bien. Car ça m’étonnerait bigrement que les agences états-uniennes, quand elles vont apprendre que le ministre remue de la boue, quitte à prendre le risque de salir tout le monde à révéler ce qui ne doit pas être dit au public américain, leurs loges seront mises en alerte immédiatement. Et hop ! Le tour est joué, elles feront cesser le petit-manège, quitte à se séparer d’un ministre-frangin, même bien placé là où il faut. »
L’amiral claque dans les doigts en lançant son bras au-dessus de l’épaule : « Finie la solidarité maçonnique sur ce coup-là ! Ce sera publié, vous verrez ! »
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