II.B – La fiscalité applicable aux personnes morales est d’une simplicité enfantine.
Il y a toutefois 3 temps : l’époque du début, la création de l’être moral nouveau, sa fin et la période intermédiaire.
1° - Au commencement… il y a l’apport (partout sauf dans le syndicat et l’association comme il est dit ci- avant). Le fisc ne peut pas être insensible à l’apparition d’un sujet fiscal nouveau : il taxe donc les apports selon la nature de ceux-ci, espèces, apports en nature (fonds de commerce, brevets, licences, créances, etc.) ou immobiliers.
Le taux applicable est le même que pour une cession.
Toutefois, les espèces, un peu comme une dot matrimoniale, ressortent du droit proportionnel plafonné au droit fixe des actes relatifs aux sociétés : pas très cher.
2° - Naturellement, un être moral nouveau peut mourir (mauvaises affaires ou « suicide » anticipé, ou arrivée d’un terme prévu dans l’acte de constitution) : l’apport s’il n’est pas une chose fongible revient alors à son propriétaire d’origine – c’est-à-dire qu’il n’a pas été cédé à un tiers entre temps par la personne morale – sans droit de mutation (sauf le salaire de Monsieur le Conservateur des hypothèques quand il s’agit d’un immeuble) en application de la « théorie de l’apport conditionnel ».
(La condition, c’est l’usage qu’il était prévu de faire de l’apport par l’être moral ex-nouveau).
Le boni de liquidation, s’il est positif est taxé comme une distribution de résultat entre les mains des associés… À condition de ne pas l’avoir déjà été auparavant (toujours entre leur main).
Ce qui nous amène à examiner la façon dont les « personnes » morales sont imposées durant leur existence.
3° - L’impôt est toujours annuel en matière de revenus et de bénéfices. Toutefois il est deux grands types d’impôt selon la forme fiscale de la personne morale : L’Impôt sur les Sociétés quand la « personne morale » est imposée en tant que telle, ou l’Impôt sur les revenus entre les mains des associés (selon leur propre impôt en fait) dans la « cédule », la catégorie appropriée de la nature des revenus.
C’est à cette occasion que l’on parle de « transparence », la société ne paye pas l’impôt, ce sont ses associés qui le paye, chacun pour eux, ou « d’opacité » : c’est la société qui paye pour elle-même, mais il s’agit alors « d’IS », et les associés, quand ils perçoivent des dividendes distribués sont imposés une nouvelle fois, mais moyennant un large abattement de 40 % au titre de la « cédule » des RCM (Revenus de Capitaux Mobiliers).
Or, l’IS, s’il est calculé comme des BIC (Bénéfices Industriels et Commerciaux), diffère totalement de toutes les autres typologies de revenus.
En effet, l’IR n’est dû que sur les revenus encaissés pour toutes les catégories de revenus, déduction des frais décaissés (ça c’est pour le principe) sauf quatre exceptions et une dérogation générale sur option :
a – Les plus-values immobilières des particuliers, et donc des associés, immédiatement taxables même si le prix reste entre les mains du notaire, sauf en cas d’expropriation ;
b – Les bénéfices industriels et commerciaux, nous venons de le dire (et la règle est applicable à l’IS), qui tiennent compte uniquement des « engagements » propres aux comptabilités commerciales, qu’ils soient ou non encaissés/décaissés ;
c – Les revenus fonciers qui peuvent tenir compte, depuis très récemment, des sommes à décaisser dans le cadre de la gestion d’une copropriété (appel de charge du syndic) ;
d – Les salaires même non encaissés dès lors qu’ils sont « mis à disposition », sauf non paiement effectif par déconfiture de l’employeur ;
e – L’option des revenus professionnels autre que les salaires, traitements et pensions versées à titre gratuit (régimes sociaux) quand leur titulaire opte pour une comptabilité de type commercial.
On notera également que l’impôt n’est du, dans une comptabilité commerciale, que sur la différence entre deux bilans, celui d’ouverture de l’exercice (qui est la copie des « à nouveaux » de l’exercice clos la minute d’avant) et celui de clôture du même exercice social, prélèvements des associés réintégrés !
(Y compris les charges réputées non déductibles, dont il faut bien trouver un bénéficiaire… qui sera imposé à son tour, mais au titre des RCM dans une société de capitaux).
Ce qui n’est pas tout à fait la même chose qu’une balance des flux monétaires…
Ce n’est tellement pas la même chose : il s’agit bien d’un « piège » fiscal signalé ci avant, obligeant, en cas de changement de régime fiscal d’une personne morale, à l’imposition immédiate de tous les bénéfices et plus-values même latentes !
Même, pour peu que l’activité finale ait quelque peu été modifiée, on parle même de la « création d’un être moral nouveau » fiscal, c’est-à-dire ayant les mêmes conséquences que la disparition du premier et la création d’un second…
Heureusement, le législateur est capable d’inventer quelques « fenêtres » conditionnelles qui suspendent toutes ces affreusetés pour peu que l’on ait fait appel à un spécialiste qui aura pu anticiper au mieux !
Mais il n’est pas question d’en faire l’exposé des mécanismes ici : ce serait bien trop long et trop « technique ». Nous vous renvoyons aux excellents ouvrages présents tout au long de votre bibliothèque !
Notons seulement qu’également, entre ces deux situations, « opacité/transparence », il est une multitude de variantes trop souvent ignorées :
1 – La « vraie » transparence fiscale n’est en fait réservée qu’aux « sociétés civiles d’attribution » de l’article 1655 ter du CGI !
Elles sont réputées ne pas exister du point de vue fiscal : pas de revenu, pas de patrimoine ! Les parts qui constituent leur capital sont attachées à un lot immobilier d’attribution. Quand on les achète, on achète l’appartement qu’elle représente.
On aura noté qu’on évite ainsi une deuxième taxation aux droits d’enregistrement, au moment de leur dissolution, tout en restant personnellement responsable indéfiniment du passif (les invendus) tant qu’elle n’est pas dissoute…
Attention, quand ces parts là représentent un bien mis en « temps partagé », puisque l’usage est forcément celui d’un bien meublé, si il est loué, il y aura taxation à l’IS… Exactement l’inverse quand il est utilisé pour son usage personnel !
Nous ne vous racontons pas la difficulté qui a retardé son apparition et son développement dans le paysage français de l’immobilier de loisir !
2 – Toutes les autres sociétés « civiles » ou peu ou prou « en nom » sont donc « semi transparentes » et sont régies par l’article 8 du CGI. Ce sont les associés qui payent l’impôt sur leur bénéfice (même en l’absence de dividende perçu) dans la catégorie propre à la nature des bénéfices.
Toutes les autres, sauf :
3 – Les « sociétés translucides ». Leurs natures et activités sont nombreuses et diverses. Grosso modo, quelle que soit leur activité, elles ne sont pas tenus de payer l’IS puisque leurs résultats sont imposables entre les mains des associés, mais au titre des Revenus de Capitaux Mobiliers, comme un dividende de SA ou de SARL… D’où leur nom : la lumière passe, mais brouille l’image !
On y retrouve les SICAV, par exemple…
4 – Les « sociétés opaques » de l’article 206, soumises de droit à l’IS, ou sur « option » volontaire ou par accident (celles qui font des actes de commerce) pour toutes les autres.
Notons que certaines d’entre-elles, autre que les SA, peuvent inversement échapper à l’IS sous condition et sur option pour être imposées à travers leurs associés…
Dans ce « bestiaire fiscal », nous notons également l’existence :
5 – Des « trous noirs », bien avant leur apparition dans les équations de la relativité générale, que sont les associations et les fondations (les congrégations, les syndicats, les comités d’entreprise, etc.) qui ne payent jamais d’impôt sur les « résultats excédentaires d’exploitation » de leurs activités.
Sauf un impôt de 24 % sur les revenus de leur patrimoine, quand elles en ont un…
Si ce sont des « trous noirs », c’est que jamais on ne peut en tirer le moindre bénéfice à distribuer pour leurs membres. Même en cas de liquidation, l’apporteur ne peut que récupérer le bien apporté s’il n’a pas été cédé au préalable…
6 – Les « ubiquites », qui tantôt existent, tantôt n’existent pas (un peu comme dans le cas du photon qui obéit aux règle de la « physique quantique » et au principe d’incertitude posé par Einsenberg), selon la bonne volonté du Service dans le cas des sociétés « occultes », les « sociétés de fait ».
Celui-ci va pouvoir redresser la personne la plus solvable selon son bon vouloir après avoir constater l’existence d’un pacte social ou au contraire sa « fictivité » et surtout, l’absence de comptabilité probante !
7 – Les « éphémères » que nous avons déjà signalées à travers les indivisions, par exemple.
8 – Les « elfes », sociétés vraies, mais dont l’imposition n’est pas prévue ou parce qu’elles en sont expressément exonérées, totalement ou partiellement par une disposition législative conditionnelle : La liste est extrêmement longue.
Les coopératives agricoles (y compris d’insémination artificielle – vous voyez, on y revient encore), artisanales, de transport, de transport fluvial pour toutes les opérations avec leurs membres, les Scop partiellement, les organismes HLM et leurs unions, les collectivités publiques, les organismes d’État non dotés de l’autonomie financière, les établissement publics de recherche, d’enseignement supérieur, les sociétés d’économie mixte concessionnaires d’opérations d’aménagement urbain, les établissements public de lotissement, les chambres de commerces maritime, les ports, voire les AFU qui servent à des remembrements privés, etc.
4° - Notons également que les « personnes morales » peuvent se reproduire entre elles, « aller avec » comme des « grandes personnes » (humaines et biologiques) !
Ce sont de véritables familles qui peuvent ainsi se constituer, fille/mère, grand-mère/arrière grand-mère, sœurs, cousines, etc. Que des filles ! Un vrai phénomène de « parthénogenèse appliquée ».
La comptabilité commerciale, tout comme la fiscalité et le droit social, s’adaptent à ces situations à travers la notion de « groupe ».
Un : la fiscalité française est « mondiale » ! Elle ignore les frontières pour tous les ressortissants, domiciliés sur le sol français, « physique ou moral » ;
Deux : la comptabilité connaît deux situations. Celle de la filiale, dont les titres sont immobilisés, et celle des valeurs de placement représentant des parts de capital d’autres sociétés.
Seules les premières font l’objet, parfois, d’une « consolidation », soit par « mise en équivalence », soit par « intégration ».
Globalement, il s’agit de neutraliser les effets des participations dans les actifs et passifs réciproques des sociétés concernées, même « croisées » (c’est d’ailleurs un sujet d’examen assez classique dans les matières du chiffre, au niveau de « l’expertise »).
Trois : la fiscalité en tire toutes les conséquences, surajoutant ses propres neutralisations à travers un corpus de règles actuellement toujours « glissant », à travers « l’intégration fiscale », mais pas toujours, aux méthodes comptables (ce qui rend si difficile ces sujets d’examen, même en troisième cycle de fiscalité appliquée).
Nous n’aborderons pas ces points : les traités sont vraiment trop volumineux et vite obsolètes pour tenir dans cet article.
5° - On signalera également que seules les « personnes morales » peuvent se scinder.
En générale par branche complète d’activité, formant alors un « être moral nouveau » déjà évoqué.
Avec toutes les conséquences fiscales qui vont avec…
En bref, la vie des « êtres moraux », du point vue fiscal, n’est pas nécessairement plus facile que celle des « êtres de chaire et de sang ».
Il convient de conclure ce petit tour d’horizon (à vocation simplificatrice et de « néo-découverte »)