3ème et 8ème sous-sections réunies, publié au recueil Lebon
Vous vous souvîntes bien naturellement de l’arrêt de Cassation relatif à la crèche « Baby-loup » : Je ne l’ai pas repris dans ces colonnes, parce que la presse s’est déchaînée à publier le point de vue de diverses sommités critiquant du haut de leur haute « autorité-morale » : On ne critique jamais une décision de justice devenue définitive.
Les tribunaux et cours ne font jamais qu’appliquer des lois décidées et écrites par d’autres : S’il faut critiquer quelle que chose, ce sont seulement les rédacteurs desdites lois.
Or, ceux-ci font « métier de faire de la politique », s’ils sont incompétents, il ne faut pas les élire.
Point-barre : C’est un principe de juriste.
En l’occurrence, dans cette affaire de « petite-crèche » associative (ne pas confondre avec « Babilou », l’entreprise commerciale de crèche adoubée un peu aveuglément par bien des « autorités » locales), la directrice vire une auxiliaire qui se balade dans les locaux avec son voile ostensiblement porté sur le crâne.
Décision qui lui a été reprochée, dans la mesure ou les lois sur la laïcité ne concernent que le droit public et pas les contrats de travail de droit privé…
Notez, pour connaître un peu du fonctionnement de « petites-crèches » associatives, que celles-ci reçoivent des subventions d’origine publique pour pouvoir fonctionner : Un tiers de leurs recettes viennent des « participations familiales », calculées selon un barème national assis sur le « quotient familial » propre à chaque famille (revenus déclarés rapportés à la composition du foyer), imposé par convention par les CAF.
Les CAF complètent à hauteur de 97 % de 4,44 €/heure facturée aux familles et les communes participent pour les reliquats, soit environ un tiers du budget et quelques 2 à 6 K€ par place et par an, soit un taux horaire qui dépasse le total des 6 euros. Mais peut varier, car au-delà de 10/12 €/heure de frais de la structure, la CAF et les PMI s’inquiètent à envisager de retirer leurs agréments (sauf à Paris où les « municipales » coûtent jusqu’à 30 et 45 €/heures. Mais c'est Paris).
Parfois les départements participent également en fonction des heures réalisées (qui ne sont pas le mêmes que celles « facturées »).
Une précision : Le taux de 97 % retenu par la CNAF s’appuie sur l’idée qu’il y a 3 % d’ayants-droits au niveau national qui ne cotisent pas au régime général.
Ce sont tous les régimes particuliers et spéciaux (SNCF, RATP, etc.).
On ne les voit jamais dans nos crèches, mais elles payent pour eux.
En bref, pour les deux-tiers, il s’agit d’argent public. Et les conventions obligatoires, CAF et municipales, obligent en contrepartie à ne pas « discriminer » les familles, ni encore moins les enfants, quel que soit leur handicap, religion, ethnie, état de fortune, origine, allergies etc. etc.
Qu’une fille qui se présente avec un tchador, bien naturellement, elle n’est même pas embauchée… Surtout quand les familles sont quasiment toutes ashkénazes dans certains quartiers !
Idem pour d’éventuel porteur de kippa, pour des croix ostensibles, des étoiles de David, des mains de Fatma, etc.
En revanche, tout le monde peut faire ses prières dans le local du personnel, et même faire ramadan si ça leur chante, dès lors que la sécurité des enfants n’est pas mise en cause.
J’en ai même une qui n’est pas musulmane, mais qui fait ramadan aussi, parce qu’elle n’aime pas manger toute seule dans la cuisine…
En conclusion, la loi de 1905 s’arrête là où l’on rentre dans des locaux privés.
Il n’y a pas à discuter, hors un règlement intérieur portant sur la tenue vestimentaire obligatoire de salarié, on ne peut pas virer une porteuse de burqa ou de tchador.
En revanche, la même loi prend tout son relief quand il s’agit de fêtes chrétiennes, mi-cultuelles, mi-culturelles, locales et festoyantes comme ci-dessous décidée :
«
M. Christophe Pourreau, rapporteur ; Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ; SCP LE GRIEL ; FOUSSARD, avocat.
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 25 février et 25 mai 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour les associations Grande confrérie de Saint Martial, dont le siège est 1, place du Présidial à Limoges (87000), Confrérie de Saint Eloi en Limousin, dont le siège est à la mairie de Chaptelat (87270), et Comité des ostensions de Saint Victurnien, dont le siège est à la mairie de Saint-Victurnien (87420) ; l'association Grande confrérie de Saint Martial et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 10BX00541 de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 décembre 2010 en tant qu'il a rejeté l'appel qu'elles ont interjeté du jugement n° 0901053, 0901056, 0901057, 0901060, 0901063, 0901069 et 0901071 à 0901083 du tribunal administratif de Limoges du 24 décembre 2009 en tant que ce jugement a, d'une part, annulé trois délibérations du 27 mars 2009 par lesquelles la commission permanente du conseil régional du Limousin leur a attribué des subventions pour l'organisation des ostensions septennales de l'année 2009 et, d'autre part, enjoint à la région Limousin de procéder à la répétition de ces sommes ;
2°) réglant l'affaire au fond dans cette mesure, de faire droit à leur appel ;
3°) de mettre à la charge de MM. AH..., W...et AC...,de Mme X..., de M. C..., de Mmes I... et Q..., de MM. AE..., Q..., A...E..., M...et L...,de Mlle Caire, de Mme T..., de MM. T... et AK...,de Mme M..., de M. AB... et de Mme N...la somme globale de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Le Griel, avocat de l'Association Comité des Ostensions de Saint Victurnien, de l'Association Confrérie de Saint-Eloi-en-Limousin et de l'Association Grande Confrérie de Saint-Martial et de Me Foussard, avocat de M. K...AH..., de M. Z...Q..., de M. O...A...E..., de M. P...AC..., de M. J...W..., de M. AJ...L..., de M. AD...C..., de M. U...AB..., de M. V... T..., de M. AA...AE..., de M. F...AK..., de M. R...M...,de Mlle AN...Caire, de Mme G...T..., de Mme Y...M...,de Mme AF...N..., de Mme AF...Q..., de Mme AM...I...et de Mme S...X...,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de l'Association Comité des Ostensions de Saint Victurnien, de l'Association Confrérie de Saint-Eloi-en-Limousin et de l'Association Grande Confrérie de Saint-Martial et à Me Foussard, avocat de M. K...AH..., de M. Z...Q..., de M. O...A...E..., de M. P...AC..., de M. J...W..., de M. AJ...L..., de M. AD...C..., de M. U...AB..., de M. V... T..., de M. AA...AE..., de M. F...AK..., de M. R... M..., de MlleAN...Caire, de Mme G...T..., de Mme Y...M...,de Mme AF...N..., de Mme AF...Q..., de Mme AM...I...et AQ... S...X... ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par treize délibérations de la commission permanente du conseil régional du 27 mars 2009, la région Limousin a accordé des subventions " pour l'organisation des manifestations liées aux ostensions septennales de l'année 2009 " à deux communes ainsi qu'à diverses associations, parmi lesquelles les associations Grande confrérie de Saint Martial, Confrérie de Saint Eloi en Limousin et Comité des ostensions de Saint Victurnien, pour des montants respectifs de 6 670 euros, 1 760 euros et 2 500 euros ; que, le 26 mai 2009, MM. AH..., W...et AC...,Mme X..., M. C..., Mmes I... et Q..., MM. AE..., Q..., A...E..., M...etL...,Mlle Caire, Mme T..., MM. T... et AK...,Mme M..., M. AB... et Mme N... ont saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande tendant à l'annulation de ces délibérations et à la répétition de ces subventions ; que les associations Grande confrérie de Saint Martial, Confrérie de Saint Eloi en Limousin et Comité des ostensions de Saint-Victurnien se pourvoient en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 décembre 2010 en tant qu'il a rejeté l'appel qu'elles avaient interjeté du jugement du tribunal administratif de Limoges du 24 décembre 2009 en tant qu'il a, d'une part, annulé les trois délibérations du 27 mars 2009 les concernant et, d'autre part, enjoint à la région Limousin de procéder à la répétition des subventions qu'elle leur avait versées ;
2. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les ostensions septennales consistent en la présentation, dans certaines communes du Limousin, par des membres du clergé catholique, de reliques de saints qui ont vécu dans la région ou qui y sont particulièrement honorés ; qu'après avoir été solennellement reconnues dans les églises, ces reliques sont portées dans les rues en processions dans leurs châsses et offertes à la vénération des fidèles ; que les ostensions se concluent par des eucharisties ; qu'en jugeant que de telles cérémonies revêtent, en elles-mêmes, un caractère cultuel, alors même, d'une part, qu'elles ont acquis un caractère traditionnel et populaire, qu'elles attirent la population locale ainsi que de nombreux touristes et curieux, et qu'elles ont dès lors aussi un intérêt culturel et économique, et, d'autre part, qu'en marge des processions elles-mêmes, sont organisées des manifestations à caractère culturel ou historique, telles que des concerts, des expositions, des conférences ou des visites de musées, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt sur ce point, a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis et n'a commis aucune erreur de droit ;
3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État : « La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. » ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités territoriales ne peuvent apporter une aide quelconque à une manifestation qui participe de l'exercice d'un culte ; qu'elles ne peuvent accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, qu'en vue de la réalisation d'un projet, d'une manifestation ou d'une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n'est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que ce projet, cette manifestation ou cette activité présente un intérêt public local et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n'est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association ; que la cour a jugé, ainsi qu'il a été dit, que les ostensions septennales ont le caractère de cérémonies cultuelles ; qu'elle a relevé, par une appréciation souveraine non arguée de dénaturation, que les subventions litigieuses, dont il n'était pas soutenu devant elle qu'elles aient eu un objet et aient été accordées selon des modalités conformes aux exigences rappelées ci-dessus, se rapportaient directement aux ostensions ; qu'en en déduisant que les délibérations attaquées avaient été prises en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique [...] la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites. / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ; qu'aux termes de l'article 14 de la même convention : « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur [...] la religion [...]. » ;
5. Considérant que les associations requérantes soutiennent que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que les dispositions de l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ne sont pas incompatibles avec les stipulations précitées des articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que, selon elles, il résulte nécessairement du principe d'interdiction de toute subvention publique aux activités cultuelles une discrimination entre activités culturelles pour l'accès aux subventions publiques, dépourvue de toute justification objective et raisonnable ; qu'il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 3, que l'article 2 de la loi du 9 décembre 1905 ne fait pas obstacle à ce que des subventions publiques soient attribuées à des manifestations culturelles, alors même que, comme dans l'espèce soumise à la cour administrative d'appel de Bordeaux, leurs organisateurs auraient par ailleurs des activités cultuelles ou que ces manifestations se dérouleraient à l'occasion de célébrations cultuelles ; qu'en outre, la prohibition des subventions à l'exercice même d'un culte, lequel ne peut être assimilé à une pratique culturelle, poursuit depuis plus d'un siècle le but légitime de garantir, compte tenu de l'histoire des rapports entre les cultes et l'Etat en France, la neutralité des personnes publiques à l'égard des cultes ; qu'ainsi, le moyen des associations requérantes doit être écarté ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les associations Grande confrérie de Saint Martial, Confrérie de Saint Eloi en Limousin et Comité des ostensions de Saint Victurnien ne sont pas fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de chacune des associations requérantes la somme de 1.000 euros, à répartir également entre MM. AH..., W...et AC...,Mme X..., M. C..., Mmes I... et Q..., MM. AE..., Q..., A...E..., M...et L...,Mlle Caire, Mme T..., MM. T... e AK...,Mme M..., M. AB... et Mme N..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de ces derniers, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes ;
D E C I D E :
Article 1er : Le pourvoi des associations Grande confrérie de Saint Martial, Confrérie de Saint Eloi en Limousin et Comité des ostensions de Saint Victurnien est rejeté.
Article 2 : Les associations Grande confrérie de Saint Martial, Confrérie de Saint Eloi en Limousin et Comité des ostensions de Saint Victurnien verseront chacune la somme de 1.000 euros, à répartir également entre MM. AH..., W...et AC...,Mme X..., M. C..., Mmes I... et Q..., MM. AE..., Q..., A...E..., M...et L..., Mlle Caire, Mme T..., MM. T... et AK...,Mme M..., M. AB... et Mme N....
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SCP Le Griel, qui représente les associations Grande confrérie de Saint Martial, Confrérie de Saint Eloi en Limousin et Comité des ostensions de Saint Victurnien et leur communiquera la décision, et à Me Foussard, qui représente MM. K... AH..., J...W...et P... AC..., AL...X..., M. AD... C..., Mmes AM... I...et AF...Q..., MM. AA... AE..., Z...Q..., AI...E..., R...M... et AJ...L..., Mlle AN...Caire, AG...T..., MM. V... T...et F...AK..., AO...M..., M. U... AB...et Mme AF... N...et leur communiquera la décision.
»
« Dura lex, sed lex ». Si une commune peut donc subventionner une association quelconque qui aurait la bonne idée de célébrer ses andouillettes « AAAAA », jusqu’à organiser des défilés dans les rues de ribambelles de cochonnailles, voire des chars à fleur ou d’oranges, en revanche l’apparition publique de reliquaire, sans être interdite, n’en est pas moins « insubventionable » par l’impôt (taxe ou autre) local…
Voilà qui est dit…
Et c’est tellement bien dit, que tous les moyens de droit évoqués affirment finalement la même chose…
D’où l’idée que la Loi est une et unique et ne se contredit jamais…
Personnellement, je trouve très beau mon pays.
Pas vous ?